«Allez petite chérie.. pourquoi tu grandis pas ?»

Cette petite plante de sansevière me rend complètement fou. Entourée de plusieurs autres plants de la même variété déjà murs, cette petite tarde à pousser. J'ai beau faire tout bien pour qu'elle grandisse, elle s'entête à rester minuscule. Je soupire, las, et m'éloigne de l'endroit où sont placées mes sansevières en m'essuyant les mains sur mon tablier.

Le lundi, je ferme le WF à 18h. En regardant par la fenêtre, je vois que le soleil commence à décliner, et en déduis qu'il est presque 17h, puisqu'on s'approche de plus en plus de l'hiver. Je sors donc mon portable pour confirmer : il est 16h50.

Je ne sais pas pourquoi, mais je commence à me lasser. Toujours la même routine, depuis plusieurs mois. Le même horaire, les mêmes clients, les mêmes commandes. En plus, bien que je suis à Ulsan depuis maintenant un bon bout, je ne m'étais pas fait beaucoup d'amis. En fait, je ne m'en étais presque pas fait du tout.

Je décide de passer un coup de fil à mes parents, qui ont récemment déménagé plus près d'Ulsan, ce qui me remplis de joie : ils me manquent beaucoup, et voyager vers Séoul aussi souvent me coutait cher en tickets de bus.

«Mun Hee ? Mon chéri ? C'est toi ? Tu es là ? Ouh, ouh ?»
«Oui, c'est bon maman, c'est bien moi. Ça va, la nouvelle maison ?»
«Quoi ? Oh.. Oui, bien sur..»
«... Maman ? Qu'est-ce qui est arrivé ?»
«Rien..»
«Maman ?»
«Tu vas m'en vouloir, mon chéri !»
«Bien sûr que non !»
«Eh bien.. j'ai perdu le gros plant de sansevière que tu nous a laissé avant de partir pour Ulsan...

Je retiens ma respiration un tiers de seconde, puis je pars à rire devant l'ironie de la chose. Je ris encore, alors que ma mère me demande pourquoi je suis hilare, au téléphone, quand j'entends la clochette de la porte d'entrée tinter. Je pousse donc un soupir pour calmer ma respiration, avant de dire à ma mère que je lui parlerai plus tard, que je l'aime et je raccroche, me tournant tout de suite vers la cliente qui vient de passer la porte du WF.

«Bienvenue chez Wendy's Flowers ! Je peux vous aider ?»

La jeune femme semble distraite, je m'approche donc assez bruyamment pour ne pas la faire sursauter, alors qu'elle se dirige vers les, comble du sort, sansevières. Je pose donc ma main sur son avant-bras pour capter son attention.

«Vous savez, ces plantes sont très faciles à entretenir. Elles n'ont pas besoin d'énormément de lumière, ni d'eau, alors elles sont parfaites pour les appartements.. Oui, bon, je sais qu'il y en a une dans le lot qui est petite et sous-développée, mais ça arrive, parfois, qu'une plante n'en fasse qu'à sa tête. À mon avis, elles nous entendent, vous savez ? Elles sont pas, enfin, excusez l'expression, idiotes. Elles comprennent ce qu'on leur dit... seulement celle-là est têtue... ou bien simplement dure de la feuille... oh mon doux j'ai pas fait une blague aussi nulle ? Bref, ouais...»

Je la tire par le bras vers une variété voisine.

«Celle-là aussi, elle est facile d'entretien... La beaucaméa.»

Je caresse une des feuilles de la plante.

«Vous voyez son large pied ? Ça stocke l'eau, ce qui fait qu'elle nécessite pas vrai-»

Elle rit. Elle me rit au visage ! Je la regarde, incrédule. Hn ?