C'est drôlement dangereux de s'attacher à quelqu'un, c'est incroyable ce que ça peut faire mal. Rien que la peur de perdre l'autre est douloureuse. C'est moche de guetter un signe de quelqu'un pour se sentir heureux...

On n'a pas toujours l'aide qu'on souhaite...

Un éclat de rire résonna dans la pièce. Son rauque, quoique suave à sa manière qui provenait de derrière lui, il ne voyait pas qui s’esclaffait ainsi, cependant, le jeune homme reconnaissait très bien ce son. Un sourire vint s’étendre sur ses lèvres jusqu’ici inanimées et il se leva pour se retourner et aller à la rencontre de cette personne si gaie. Lorsqu’il se retourna cependant, il n’y avait personne. Sauf ce stupide chat qui passait son temps à entrer par le trou dans le bas de la porte. Trou qu’il se promettait, à chaque réveil de réparer, mais qu’au final, il se faisait la même promesse à chaque soir. Son sourire se dissolue en quelques secondes et le paumé chassa tant bien que mal l’animal parasite, l’invitant à prendre le chemin inverse qui l’avait amené à le déranger. Ce rire, il ne l’entendrait plus jamais. Il le savait pourtant, mais il en était hanté à tous les jours. La nuit, c’était encore pire, ses rêves semblaient si réels qu’il avait cet impression d’encore sentir sa peau sous ses doigts, son souffle chaud contre son cou, ses baisers au goût si illégaux sur ses lèvres… Il s’assit devant le trou et resta ainsi à le fixer un long moment, se rappelant son histoire. Cette fois où ils s’étaient engueulés pour… pourquoi déjà? L’étranger ne le savait plus, ça n’avait été qu’une prise de tête comme les autres. Une trace de plus dans l’appartement qui en était pleine. Ce n’est pas comme s’ils vivaient dans un immeuble où le propriétaire s’en soucie vraiment… Il fixait ce trou, comme si la personne qui lui manquait tant allait se pencher devant, de l’autre côté et qu’ainsi son visage pâlot et tiré par la fatigue allait apparaître dans le trou.

Le temps continuait son périple autour de lui, mais il ne bronchait pas de là. C’était à peine s’il clignait les yeux, ne pensant à le faire que lorsqu’ils se mettaient à brûler pour lui reprocher d’oublier leur existence. Tel que la dame l’avait annoncé à la télé, une douce averse commença en soirée. Quelques gouttes tombèrent sur la tête de l’indifférent, lui rappelant qu’il n’avait jamais réparé les fuites du toit non plus… Après peut-être une dizaine de gouttelettes, il releva lentement la tête pour regarder le plafond. Une goutte lui tomba sur le nez. Elle était tiède. Il rebaissa la tête et posa ses mains à plat sur le sol pour se lever. Après toutes ces heures passées assis, il avait un peu les jambes engourdies. Le jeune homme passa une main lasse sur son visage pour en enlever les quelques traces de la météo. Son étrange cerveau avait fait un lien entre cette pluie et la soif. Mais pas n’importe laquelle… celle qui efface les douleurs, embrase les âmes et fait oublier les inhibitions. Cette délicieuse maîtresse des hommes, celle qui les rend fou de désir et les mène doucement au bord de la folie, pour ensuite les y jeter avec un plaisir non-dissimulé. Lui en restait-il?

Sang Min écrasait sa énième cigarette de l’heure, l’enterrant parmi ses consoeurs dans ce petit cimetière de verre rond où tellement d’autres étaient déjà. Un long soupir lui fendit l’âme en se frayant un chemin jusqu’à ses lèvres et il se pencha vers l’arrière, relevant la tête vers le plafond et passant ses mains sur sa nuque. Ses doigts se frayèrent un chemin dans ses cheveux et ses doigts se refermèrent dessus. Oh oui, il allait s’arracher les cheveux si ça continuait! Il n’y avait rien de plus frustrant pour lui que de rester bloquer en plein milieu de son histoire, ne pas savoir comment faire évoluer ses personnages, ne pas savoir quoi leur faire penser… Il avait quelques idées, mais rien n’était à la hauteur du texte qu’il essayait d’écrire. C’était clairement le brouillon d’un brouillon, qu’un premier jet à une histoire qui se ferait retravaillée pendant de longues heures qui deviendraient des semaines. Ça, il le savait, mais le coréen ne supportait pas de travailler sur une base chambranlante. Il voulait du solide pour bien commencer ses œuvres. Certes, cette histoire était ô combien personnelle, donc difficile à écrire. Il y mélangeait quelques touches de fiction, pour ne pas complètement sombrer dans l’œuvre, une fois de plus, mais le tout restait tout de même comme quelques pages de son âme. De l’âme de Chin, c’est vrai, parce que jamais il ne signerait de son vrai nom une de ses œuvres. Préférant largement l’anonymat que lui procure ce pseudo.

Il regardait les mots danser sur la page de son grand carnet depuis des heures, il se ressassait les souvenirs sans cesse. Les retournant dans tous les sens, même s’ils avaient pour lui le même effet qu’une centaine de petits morceaux de verre qui découpent sa chair avec gourmandise. La douleur était à peine supportable, mais comme il se sentait toujours coupable de cette histoire pourtant si vieille aujourd’hui, Sang Min se disait qu’il la méritait. Et puis, pour un artiste, n’est-ce pas le lot quotidien que d’être tourmenté, frôler la folie pour mieux s’en laisser imprégner et ensuite la partager à notre monde si ennuyeux et mal fait? N’est-ce pas cette douce folie qui guide sur le chemin de la créativité, qui teinte la vie de quelques originalités et lui donne une saveur acidulée mais pourtant si addictive? Sang Min ne savait pas s’il avait tord, mais il ne voulait rien faire pour le savoir. Sa créativité lui est bien trop précieuse, bien qu’extrêmement dévastatrice, pour qu’il ne veule s’en défaire. Il lâcha plutôt ses cheveux et se leva rageusement, frustré contre lui-même de ne pas trouver les mots à coucher sur ce papier pour bien exprimer sa pensée. Les mains tremblantes, il chercha un autre bâtonnet de poison en robe blanche qu’il porta à ses lèvres pour ensuite l’embraser.

Rester ici ne l’aiderait en rien à trouver comment organiser ses idées et Xue n’était pas là pour l’entendre lui crier dessus pour rien. Il n’avait donc pas de raisons de rester ici… sinon de chercher avec quel produit ménager il pourrait se détruire le plus rapidement. Quelque chose sans retour possible. Bien que cette idée soit délicieusement tentante avec toutes ses belles promesses généreuses, Sang Min préféra sortir. Pour une fois, les choses allaient relativement bien dans sa vie… Il vivait dans la même ville que son demi-frère et que son amie d’enfance, qui venait justement tout juste de débarquer. Le suicidaire pourrait bien céder à sa maîtresse un autre soir… Il avait donc laissé tranquille les choses dangereuses de sa maison, pour une fois, puis après une douche rapide et s’être arrangé pour être un peu présentable, il avait pris son carnet à idées pour sortir en ville. Son stylo et son carnet dans une main, sa cigarette entre les lèvres, il avait été à la chasse de possibles idées pour ses œuvres en cours. Il avait fait un petit arrêt dans un café, puis avait enchaîné les boîtes de nuits. Non pas qu’il soit un de ses danseurs ou dragueurs invétérés, mais Sang Min prend un malin plaisir à aller s’asseoir au bar pour observer les gens. C’est tout de même tout un cirque que ces boîtes de nuits, ces jeunes femmes qui revêtent des vêtements chatoyants et souvent très courts, pour mieux attirer la lumière et les regards sur leurs courbes qu’elles ondulent au son de la musique, invitant à s’imaginer comment elles ondulent en d’autres circonstances. Les jeunes hommes qui portent eux aussi des vêtements souvent moulants pour mettre en évidence leurs heures perdues au gym et ainsi, ce qui pourrait servir d’oreiller à ces demoiselles, après une longue nuit d’exercices.

Le regard froid, le sourire inexistant, il observait depuis le bar ce qui se passait dans cette autre discothèque. Cette fois-ci, c’était un établissement invitant davantage la gente homosexuelle. Que ce soit pour hétéros ou homos, Sang Min n’y voyait aucun inconvénients. Les comportements étaient à peine différents, des gens qui font presque l’amour sur le plancher de danse, ça se trouve partout! Il buvait tranquillement son verre de fort, depuis peut-être une demi-heure déjà, griffonnant des notes avec son traditionnel air détaché. Personne ne venait le déranger, il avait clairement une étiquette imaginaire collée sur le front disant « Allez vous faire voir. » Cependant, lorsqu’il releva le nez de ses si charmantes observations transcrites en noir sur blanc, il croisa le regard d’un inconnu, l’espace d’un instant. Ce dernier ne lui lançait pas un regard de braise qui veut inviter au fantasme, comme le font généralement les gens, non, il appelait plutôt à l’aide. Le suicidaire ne bougea pas au début, se contentant d’observer la scène depuis sa place. Il croisa de nouveau le regard du type qui semblait maintenant désespéré. Le coréen prit quelques notes, suivies d’une gorgée de fort, puis il se dit qu’il pourrait bien se montrer généreux de sa personne pour une fois. Ça ne le tuerait pas et ça ne deviendrait certainement pas une habitude! Il quitterait ce drôle d’endroit, après, de toutes manières… Il descendit donc de son trône et traversa la foule de danseurs, refroidissant d’un simple regard quiconque s’approchait un peu trop de lui. Oh que non. Ce n’était sûrement pas son genre de se mettre à danser pour impressionner quelqu’un pour l’inviter ensuite à faire quelques prouesses sexuelles athlétiques.

Une fois arrivé à la hauteur du petit groupe et du désespéré, Sang Min se demanda qu’est-ce qu’il lui prenait de s’en mêler, mais bon… Il était déjà là et au mieux, il aurait quelque chose à écrire après… sinon, à raconter à Min Sook. Le coréen se planta à côté de celui qui ne voulait pas être là. Il avait l’air plutôt frêle à côté de ce dernier, la différence entre eux était probablement amusante pour n’importe quel œil curieux qui regardait dans leur direction. L’artiste posa sans gêne sa main sur la hanche de l’inconnu, se rapprocha un peu de lui et lança un regard foudroyant de possessivité aux autres. Sang Min se retourna vers le grand perdu et le jaugea une fraction de secondes, avant de s’approcher de lui.

-« Surtout, ne me remercie pas… » Siffla-t-il à son intention, en ne quittant pas son regard des yeux.

Il ne lui laissa probablement pas le temps de comprendre ou de répondre, que déjà, Sang Min avait capturé ses lèvres des siennes et lui volait un baiser. Son corps menu pressé contre le sien, il le serrait pourtant assez fort dans ses bras qui avaient profités de l’entraînement militaire dont il venait tout juste de sortir. L’artiste ne fit cependant pas durer le baiser une éternité, comme il l’aurait pu et le rompit après un court instant. Il se décolla lentement, pour que ça reste crédible, examinant la réaction de sa «victime» qu’il venait de sauver. Le coréen tourna ensuite la tête vers les autres, leur offrant une belle expression de satisfaction bitchy. La même qu’a la meneuse de claques quand elle revient prendre possession de son petit ami, qui lui sert de porteur de sacs et de trophée auprès des autres filles, puisque c’est supposément le plus beau de l’école. Le temps de voir que son baiser avait fait effet, Sang Min s’éloigna de l’inconnu, puis du groupe pour se diriger vers la sortie, comme prévu, sans rien demander de plus à personne.