La rage est un sentiment que tout être humain a connu au moins dix mille fois dans sa vie. La rage est née en moi comme une espèce de maladie que j'aurais contractée au détour d'un voyage hasardeux. Lorsque je me suis voilée la face comme la lune se cache sous une tonne de nuages en forme de plumes, j'ai cru que tout irait mieux mais ce fût tout le contraire. Tout s'est noirci de sable aussi sombre que du granite et j'ai bien pensé que tout allait pour le mieux alors que c'était tout le contraire. La rage peut se glisser n'importe où, comme un scorpion vicieux qui creuse dans les endroits les plus durs du désert pour mieux vous piquer en plein cœur. Je me rappelle encore des moments quotidiens où j'allais voir mon frère à l'hôpital. Je n'étais encore qu'une enfant, une petite adolescente faisant ses premiers pas dans la vie telle que nous la connaissons. Je retenais le plus possible mes larmes. Je trouvais cela injuste que je ne puisse même pas pleurer librement. Nos eaux nous appartiennent et c'est à nous de décider quand nous pouvons les lâcher, ce qui est une ineptie en soi vu qu'elles sont appelées “ larmes “ car elles sont les gouttes que nous lâchons parce que nous en ressentons le besoin. J'étais à côté du lit trop blanc qui m'éclatait les pupilles et je tenais la main de mon frère. Elle me semblait immense, elle recouvrait la mienne comme s'il me protégeait alors qu'il était dans un état déplorable. En outre, celle qui avait les deux pieds en plein ancrés dans la vie, c'est-à-dire moi, n'était qu'un être fragile et sans intérêt. C'est du moins ce que je ressens. Avec son réveil, tout aurait dû être plus simple à vivre, à comprendre, accompagné d'un soulagement sans bornes. Ce ne fût pas le cas. Je me souviens également de ce sentiment lorsque, malgré tous les compliments que j'entendais sur ma voix ainsi que sa puissance et le travail que j'y apportais, l'école dans laquelle j'étais ne s'occupait absolument pas de moi. Ceux qui passaient leurs chansons devant les autres étaient les chouchous des professeurs et j'ignore pourquoi je n'en faisais pas partie. Heureusement, je me suis accrochée et j'ai bravé le fait que je me sentais comme un chantier depuis quelques années. Quand cela n'allait pas, j'allais voir Si Woo et je lui en parlais un peu, les médecins disent toujours que les personnes dans son état peuvent nous entendre. Je l'ai cru et le voici pourtant incapable de reconnaître sa propre soeur...! Je secoue la tête, je suis égoïste de penser ainsi...! Je me concentre donc sur le frictionnage de mon corps sous cette tempête de gouttes chaudes qui viennent se perler sur mon corps bronzé. Tout doit être parfait aujourd'hui et je ne laisserai rien ni personne empêcher ce qui doit être fait d'être fait. Mon talent va enfin être reconnu et j'en suis la plus heureuse malgré l'angoisse qui me tord les entrailles.

Une fois sortie de la douche, enveloppée dans un court essuie blanc, je me surprends entrain de marquer les pas de ma chorégraphie devant le miroir tout en faisant des vocalises. Je ne me laisserai pas intimider, j'ai tout de même des facultés et les autres seront bien obligés de le reconnaître. On ne peut pas plaire à tout le monde mais le propre d'un artiste est tout de même de provoquer un sentiment fort au sein du public. Je me ferai connaître. Tu te rends compte Si Woo ? C'est en chantant l'une de tes chansons favorites au sein du parc de l'hôpital que l'une des co-aniimatrices d'une émission diffusée par la très célèbre KBS a entendu ma voix. Il lui manquait un show dans l'une de ses futures émissions et elle ne trouvait personne pour remplacer l'artiste manquante. N'étant pas dans un groupe, elle m'a fait une proposition alléchante que toute idole rêve d'avoir, surtout celles faisant partie d'un girls band: faire un solo. Je n'ai pas accepté directement, la peur d'être séparée de Si Woo a failli l'emporter sur tout le reste mais ma plus grande peur fût certainement ma plus grande envie: monter sur scène. Et le studio de KBS se trouvant sur Ulsan, je me suis dit que c'était une bonne manière de débuter et autant commencer tout de suite en saisissant toutes les opportunités, sinon tout cela sera mort avant même de commencer. Il faut aussi dire que je suis loin d'être sadique et de voir cette jeune femme, avec laquelle je me suis très bien entendue par la suite, qui était en panique me fendait le coeur. Me voici donc embarquée dans une drôle d'aventure.

J'ai bien dormi la nuit dernière malgré l'angoisse qui me nouait les intestins. J'ai bu une tisane calmante et je me suis couchée tôt, il vaut mieux car je me devais d'être levée vers cinq heures du matin. Me voici à présent parée de mon plus beau jogging, je ne suis que très légèrement maquillée: les habilleuses ainsi que les maquilleuses feront le reste. Ayant suivi les conseils de Mi Ran à la lettre, je n'avais plus qu'à me forcer à manger ce qu'il me fallait pour ne pas tomber dans les pommes sans pour autant faire exploser l'indice glycémique. Après avoir avalé mon bol de céréales ainsi que du café, dont je n'avais pas besoin pour tenir le coup après ma nuit de sommeil et surtout en vue de l'adrénaline qui faisait battre mon sang contre ma peau, j'ai embrassé mes parents qui se sont levés pour me souhaiter un bon courage et j'ai sauté dans la voiture. Ma mère ayant proposé de m'accompagner, je n'ai pas dit non. Je préférais lui parler plutôt qu'être seule dans les embouteillages de Séoul derrière un chauffeur de taxi qui m'est inconnu. Je n'ai pas droit à des bus de stars ou à une voiture privée mais cela ne m'intéresse guère. Au bout de quelques mots échangés avec ma mère, j'ai la bouche tellement sèche que je suis incapable de parler. Je fourre mes écouteurs dans mes oreilles et je m'isole dans mon monde après avoir souri à ma mère. Le trac bouillonne en moi et fait craquer mon coeur comme l'aurait fait un feu de forêt sur les branches d'un églantier.

Une fois descendue du véhicule, il n'est alors que sept heures du matin, je m'annonce au vigile qui me prend pour une voleuse ou une illuminée. Je me répète en usant la salive que je n'ai plus:

" Je vous en prie, laissez moi passer. Je suis attendue par mademoiselle Kim Mi Ran. " heureusement pour moi, une responsable passa par là et dissipa le " malentendu ". Je me trouve donc dans les coulisses, au milieu de tout ce tumulte auquel je suis étrangère avec un nombre incalculable de gens qui me choisissent des vêtements et me maquillent. L'une ou l'autre personne me souhaite gentimment bonne chance ou m'encourage mais je remarque que je ne suis pas la bienvenue ici, je ne suis qu'une débutante qui suis entrée par la grande porte en coup de bol, sans avoir été trainee à l'âge de six ans, sans avoir suivi une grande formation et tout le tintouin, sans compter le fait que j'ai droit à un solo au lieu d'être en quelque sorte " noyée " dans la masse. Cela ne peut pas plaire à tout le monde. Un homme portant un casque épais et noir qu'il tient d'une main, ayant dans sa main libre un support surchargé d'écritures indéchiffrables, se rue dans la pièce:

" L'émission va commencer ! Veuillez vous tenir prêts, vous savez tous après quel groupe vous passer. " je me concentre, l'émission va durer des heures pour moi. Lorsqu'ils viennent enfin me chercher, la boule que j'ai dans le ventre grossit. Quand je me place dans le noir et que les projecteurs s'allument sur moi, elle se désagrège et me libère instantanément. Me voici prête à faire mon show.

Je ne pense à rien d'autre qu'à mon chant, qu'à ma danse, à ce qui me donne la force de me tenir sur scène. Je me donne à Si Woo, à ma vie, à mon corps qui se dévoue à mon esprit. C'est du donnant donnant que je ne contrôle pas et tant mieux. J'ai l'impression de voler comme une petite fille qui se tient sur sa balançoire dans un beau jardin qui semble abriter mille créatures fantastiques.

Les notes annonçant la fin de ma prestation jouent dans mes oreilles, je m'arrête en maitrisant mon souffle qui se fait rare dans ma poitrine qui se gonfle pour en attraper un maximum. J'ai la tête qui tremble en son propre intérieur et la sueur qui colle sur ma peau n'est absolument pas désagréable, au contraire, elle est divine. J'ai eu l'impression d'être dans les étoiles.

Les gens applaudissent chaleureusement... mes yeux sont sur le point de s'humidifier. J'ai le nez qui se trémousse tant il se remplit d'un liquide invisible et piquant. Je salue toute seule et contre toute attente, quelqu'un vient me tendre un micro:

" Bonsoir, c'est tout simplement exceptionnel ce qu'il vient de se passer sur ce plateau ! Vous êtes une jeune fille inconnue de tous et vous venez de réaliser une performance qui nécessite un entraînement intensif. D'où venez vous ? "

" Bonsoir, je m'appelle Ahn Stephany ! Tout d'abord, je tiens à présenter mes excuses auprès des idoles qui ont travaillé dans des agences depuis leur plus tendre enfance, contrairement à moi. J'ai rencontré quelqu'un qui a cru en moi et qui a fait que j'ai la chance de pouvoir me tenir sur cette scène et de participer à cette émission que je regarde quotidiennement. Je tiens à remercier cette personne et je vous promets que je deviendrai digne de pouvoir effectuer ce genre de prestation. Merci à vous tous. " je croyais que j'allais me faire lyncher mais les applaudissements fusent, je n'en reviens pas. Aussi, lorsque je me trouve dans les couloirs animés mais toujours plus calmes que l'ambiance de la scène, je n'ai qu'une envie: m'asseoir, calmer l'électricité qui se perd en chauffant inutilement mon corps, et reprendre mes esprits le temps de digérer tout cela. Je rentre donc dans la loge où se trouve quelques filles qui me sourient légèrement. On se salue mutuellement quand...le choc...je reconnais ce jeune homme qui pose ses yeux sur moi. Il se trouve à côté d'une belle jeune femme qui semble m'inspecter de la tête aux pieds. Agacée et surprise, je fonce vers lui:


" Mikio...qu'est-ce que tu fais ici ? Tu étais dans le public... ? " je fais ensuite une courbette à la femme qui se trouve à ses côtés:

" Bonjour, je m'appelle Ahn Stephany. Puis-je vous aider ? "

« Ma seule liberté est de rêver, alors je rêve de liberté. » Benoît Granger

Je me levais pour une fois de bonne humeur, avec un ronronnement à mes cotés, je tournais la tête pour voir si ce dont je me doutais était bien arrivé. En ayant la vision à laquelle je m’attendais j’éclatais de rire, mon chat était venu tranquillement s’installer sur l’oreiller à coté du mien et ce pantouflard avait bien pris de la place, il était non seulement installé en partie sur le coussin mais aussi sur le lit en lui-même. Il dormait tranquillement installé tel un homme ou une femme. Sa queue virevoltait de gauche à droite alors qu’il avait les yeux clos et qu’il était se bruit de bien être. Depuis peu je me sentais plus que bien car j’avais eu le numéro de Stephany, une femme dont j’étais tombé amoureux, et dont malheureusement avec qui j’avais des rapports quelques peux difficiles je pouvais la voir sans qu’elle ne me soupçonne de vouloir uniquement la mettre dans mon lit. Certes nos relations c’étaient un peu détendue mais elle pensait pas toujours du bien de moi. Bref je me levais enfin simplement habillé d’un short de sport que je passais les nuit ou j’avais froid et où je n’étais pas bien accompagné. Cette nuit cela avait été les deux en même temps, le temps était aussi pourri que dans une certaine partie de l’Europe ou il pleuvait toujours parait il ! Je pris mon épaule droite avec ma main gauche et l’étira pour la faire craquer quelques peu et fis de même avec la gauche mais cette fois avec la main droite, après cette petite mise en route, je me dirigeais vers ma salle de bain et y mettais un peu chauffage pour que la température y soit tropicale, j’avais envie de chaleur. Ma douche fut elle aussi très chaude, j’en profitais pour me raser, ma sale mine contrastait vivement avec ma bonne humeur.

C’est entouré de ma serviette sur la taille que je me dirigeais vers ma cuisine, il était tard et ma filleule devait être partie se promener ou en tout cas je l’espérais. Je ne vis personne, pas l’ombre d’une jeune femme de dix huit ans dans la villa. Je pouvais sans gêne me balader dans cette tenue. Je pris une tasse de café et allumais mon ordinateur, je regardais mes premiers email et tombais sur un de ma cousine Mi Ran, cette dernière m’invitais à assister à une émission de la KBS dans le public et de venir la voir après dans les loges pour y bavarder un moment en famille. Je lui répondais de suite et ensuite j’attaquais les comptes de Pink Aphrodisia, un peu de musique classique et me voilà replongé dans mon ancien job, les chiffres déroulaient sous mes yeux, les pages pour les fiches d’impôts aussi, je en devais rien oublier sous peine d’un méchant contrôle et là je payerais bien plus que je ne devrais.

Les heures passèrent lentement et quand j’eus fini, il était temps pour moi de me préparer pour la soirée. Je reprenais une douche à la vitesse de l’éclair et après m’être essuyé et avoir passé un boxer Calvin Klein noir et bleu des plus classiques, je passais un pantalon gris clair avec de léger ramages noir, une chemise blanche crème et un gilet sans manche qui allait avec le pantalon, j’assortissais le tout avec une cravate bleu algue. Ma Rolex et tout était joué, je prenais les clefs de la Ferrari et y montais. Le puissant moteur de la belle italienne rouge vrombissait déjà alors que je touchais à peine la pédale d’accélération. Quelques dizaine de minutes plus tard, je passais le portique de sécurité du parking de la chaine en précisant que je venais de la part de Kim Mi Ran et que j’étais son cousin. Je fus vite à la place qu’on m’avait indiqué, je sécurisais la voiture et en sortit pour aller vite saluer ma chère et tendre cousine, j’avais que quelques minutes devant moi pour aller m’installer et c’est-ce que je fis alors que le show commençait.

Quelle ne fus pas ma surprise quand au milieu du spectacle je découvris Stephany sur scène son passage fut magique, sa présentation aussi, je succombais de plus en plus à cette femme et alors qu’elle terminait sa dernière phrase, je me levais comme tant d’autres pour l’applaudir à tout rompre.

« T’ES LA MEILLEURE STEPH ! »

Hurlais je parmi les applaudissements. Maintenant je pouvais filer voir ma cousine et lui faire part de ma surprise. Je me demandais si c’est elle qui l’avait fait venir ou non dans l’émission. Je me dirigeais vers les loges quand j’entendis un des membres de la sécurité demander à une jeune femme qui elle était, ce qu’elle venait faire ici et surtout si elle avait une autorisation. Je me dirigeais vers eux et touchais un mot à homme qui ne faisais que son boulot, je regardais la jeune femme et souriais. « Merci » me dit elle, je fus surpris et en même content qu’elle soit polie. Je rentrais finalement dans la loge avec elle, sans rien dire, je voulais voir à tout prix ma cousine, c’était pourquoi j’étais là. Tout d’un coup, je vis la demoiselle Ahn arriver, après l’avoir saluée, je la dévorais des yeux, elle fonçait vers moi et d’un air aussi agacé que surpris me dit alors " Mikio...qu'est-ce que tu fais ici ? Tu étais dans le public... ? " Ma première pensée fut de lui dire que j’étais venu tondre la pelouse, pour me moquer d’elle mais je ne le fis pas, je lui avouais tout.

«  Stephany … Je suis venu tout simplement voir ma cousine ! Et oui j’y étais. »

Je ne la félicitais pas tout de suite car elle saluait la jeune femme à mes cotés, celle que je venais d’aider plus précisément. " Bonjour, je m'appelle Ahn Stephany. Puis-je vous aider ? " Mon regard était celui d’un amateur de tennis allant de droite à gauche, et j’écoutais la réponse de l’autre demoiselle « Enchanter, moi c'est Soon Hyun Kim, je suis en ce moment styliste et je suis ici à la recherche de grands stars ou même d'amateur pour être a leurs services quand ils s'en n'ont besoin. Je n'habite pas très loin d'ici, j'habite dans le cartier moyen. Je viens de Séoul et j'ai fait de longue étude pour devenir styliste professionnelle. Excuser moi si je me répète. Je vous ai trouvé vraiment formidable, vous m'avez scotché, je suis très impressionné par votre tallent. Je souhaite de tout coeur que vous deviendrai un jour, une grande star. J'en suis sûre! Je vous souhaite bonne chance pour la suite. » Cette dernière se nommait donc Hyun Kim, c’était bon à savoir, mais sérieusement je me moquais de son pédigrée, je savais maintenant pourquoi, elle était là et j’avais donc rien fait de mal en l’aidant. « Excuser moi, monsieur j'ai complètement oublié de me présenter. Je vous prie de m'excuser. » Hein ? Quoi ? Elle s’excusait pour ça ? Il n’y avait pas de ma du tout pour moi en tout cas mais je l’aurais bien vu travailler au Pink elle aussi. Je gardais mes yeux sur elle et ma voix fut calme.

«  Ce n’est pas grave, ne vous inquiétez pas mademoiselle Hyun Kim. Je ne prénomme Mikio comme vous l’avez entendu. Sagazaki Mikio plus précisément. »

Je souriais et me retournais vers la femme que je désirais, je la dévorais encore une fois du regard et lui souris une fois de plus.

« Stephany, tu as été éblouissante ce soir ! J’ai beaucoup aimé t’entendre chanter. Tu es ravissante. »

J’étais sincère quand je la complimentais. Je croisais les bras près à me défendre car j’allais sans doute en prendre pleins la gueule pour pas un sous.