NichKhun & Hyun Ae

J’étais dans la merde. Il était vingt-trois heures et une des serveuses du Café venait à l’instant de m’annoncer qu’elle était dans l’impossibilité de venir travailler demain. Déjà que la 4e serveuse avait pris congé demain depuis un bon moment et que je devais déjè travailler demain de six à vingt-trois heures, je me retrouvais à devoir le faire toute seule. Même avec toute ma bonne volonté, je ne pouvais pas travailler un vendredi pendant dix-sept heures d’affilées toute seule. C’était du suicide. J’avais passé toute la semaine au Chokollis, j’avais plus de soixante heures de travail dans le corps, je n’avais toujours pas fini la fermeture, j’étais loin d’aller me coucher et je devais être de retour dans environ sept heures.

Je tentai par tous les moyens de contacter Min Seul. Elle était mon dernier espoir pour avoir de l’aide demain. Il était tard, mais je l’appelai quand même sur son téléphone portable. Je laissai un message texte et un message sur sa boîte vocale, mais je n’obtins aucune réponse de sa part. Il ne me restait qu’une seule option pour la contacter, c’était d’appeler chez elle. J’hésitai un peu avant de téléphoner, mais je n’avais pas d’autre choix.

Évidemment, avec ma chance légendaire, ce fut NichKhun qui décrocha.

- Je suis désolée d’appeler aussi tard… Min Seul est là? Ai-je demandé.

NichKhun me répondit par la négative. Il fallait bien qu’elle soit injoignable le soir où j’avais absolument besoin de lui parler!

- J’aurais vraiment besoin d’elle au Café demain. J’ai essayé de la joindre sur son téléphone, mais elle ne répond pas. Si tu la vois, peux-tu lui dire de venir travailler à sept heures? C’est vraiment important parce que je ne peux pas être toute seule de six à vingt-trois heures et…

Je me suis tue en me rendant compte que j’étais presque en train de lui raconter ma vie.

- Euh, bref… Si tu la voix, fais-lui le message s’il te plaît… Merci.

Je raccrochai et je me laissai tomber sur une chaise dans le Café. NichKhun et moi ne nous étions pas adressé la parole depuis Noël. Depuis, je n’avais pas cessé de penser à lui. Il me manquait et c’était un sentiment constant qui ne me donnait aucun répit. Comme prévu, pour oublier ma peine, je m’étais surchargée de travail. Je travaillais constamment. Et pas seulement au Café. J’avais un projet auquel je m’accrochais et j’y passais tous mes temps libres quand je n’étais pas au Chokollis. Toutefois, je ne me laissais jamais le temps de me reposer ou de prendre du temps pour moi. Je devais éviter de le faire parce que j’avais peur d’être triste si je me mettais à réfléchir. Certaines personnes disent qu’il veut mieux vivre sa peine pour s’en sortir, mais je ne me laissais pas avoir de la peine. Je refusais d’être faible au point où perdre NichKhun allait affecter ma vie. Lors de notre première grosse dispute, je n’avais pas pu sortir de ma chambre pendant des jours et je m’étais trouvée pathétique. Cette fois, j’allais être forte. Pour le moment, ça fonctionnait plutôt bien. J’arrivais à penser à lui sans avoir envie de pleurer et, dernièrement, j’affichais souvent un vrai sourire naturel en étant capable de me sentir réellement heureuse.

Pourtant, ce soir là, après une grosse journée de travail, le simple fait d’entendre sa voix me rendit triste. Heureusement que je faisais la fermeture toute seule, parce que j’étais d’humeur sombre et je n’aurais pas voulu avoir à expliquer à quelqu’un pourquoi je n’étais pas heureuse.

Après une nuit de moins de cinq heures de sommeil, je me relevai. Je n’étais pas du tout prête à affronter cette journée et je n’avais aucune alerte manquée sur mon téléphone de la part de Min Seul. J’espérais qu’elle allait se pointer au Café à l’heure, mais je n’avais pas beaucoup d’espoir. J’allais devoir affronter la journée seule. Ensuite, j’avais un week-end de congé. J’allais pouvoir me reposer et ça allait être bien mérité, mais je n’allais pas me laisser déprimer en réfléchissant à ma vie. En fait, ai-je pensé en regardant la date du jour sur mon téléphone, aujourd’hui j’étais sensée aller au chalet que j’avais loué au Mont Gijisan avec Nich. Ça, ç’aurait été un week-end parfait après la semaine que j’avais eue, mais ça n’allait pas arriver. J’allais passer la fin de semaine chez moi, travailler sur mon projet et dormir.

Je me rendis au Café pour 6h et je fis l’ouverture en buvant un immense café corsé pour m’aider à passer à travers la journée. Sans caféine, je n’allais pas y arriver. J’étais épuisée, j’avais probablement des cernes jusqu’aux genoux puisque même le maquillage n’avait pas réussi à les camoufler.

Je fis le ménage de l’endroit, préparai la nourriture pour le présentoir, préparai la caisse puis installai tous les verres, assiettes, ustensiles, etc, derrière moi sur le comptoir pour servir plus rapidement les clients. À sept heures, Min Seul ne pointa pas le bout de son nez. Je soupirai en pensant à la journée de fou que j’allais avoir et visualisai le bain chaud dans lequel j’allais me glisser en revenant à la maison pour me donner du courage.

Il était sept heures trois minutes lorsque NichKhun entra dans le Café. Je levai les yeux vers lui et fronçai les sourcils sans dire un mot. Il m’annonça que Min Seul n’allait pas pouvoir venir travailler aujourd’hui, mais qu’il pouvait la remplacer.

- Merci NichKhun, mais je vais me débrouiller.

J’aurais pu accepter son offre et ne pas être orgueilleuse, mais je l’étais aujourd’hui. Oui, il avait été emballeur à l’épicerie et avait probablement déjà touché la caisse enregistreuse de l’endroit - ou touché la caissière c’était à voir - mais je ne doutais toujours de ses capacités à travailler au service à la clientèle. Je ne doutais pas qu'il pouvait se rendre utile, mais je n'avais pas envie de l'avoir dans les jambes. J'avais déjà une journée chargée et je n'avais pas le temps de le former convenablement avant l'arrivée des clients.

NichKhun me répondit qu’il ne savait plus où se trouvait sa maison, qu’il ne pouvait donc pas y retourner et que je devais le garder. Même si je ne comprenais pas ce qui le poussait à vouloir m’aider alors que, plus d’un mois plus tôt, nous ne nous étions pas trop quittés en bon terme, je souris quand même en coin à son commentaire. Je reconnaissais bien son côté borné. Je l’ignorai quand même et ouvrit la Café. Les clients ne tardèrent pas à entrer et je les servis alors que Nich avait pris place à une table et semblait décider à y rester.

Moins d’une heure plus tard, les clients faisaient la file d’un bout à l’autre de la pièce. NichKhun se trouvait toujours à sa table et me regardait. J’étais déjà épuisée et la journée était loin d’être terminée. J’avais besoin de quelqu’un pour m’aider. Par conséquent, j’avais besoin de lui.

- T’as déjà utilisé une caisse? Lui demandai-je en me plantant à côté de lui.

Il me répondit que oui et ne tarda pas à aller s’y installer. Le principe n’était pas trop compliqué : chaque produit avait son bouton sur la caisse. Nich n’avait qu’à appuyer sur ce que le client demandait. Derrière lui, je préparais les commandes et puis je faisais le service aux tables. À deux, nous sommes rapidement venus à bout de la file d’attente. À dix heures trente, le Café était vide. Les gens avaient commencé à travailler et il n’y avait pas avoir d’autre rush de clients avaient l’heure du midi. Je demandai à NichKhun de passer le balai pendant que je lavai les tables puis je remplis le présentoir. J’eus ensuite du temps pour m’asseoir et reposer mes pieds un peu. Je nous préparai tout d’abord deux cafés, avec du lait pour moi et deux sucres, un lait pour lui que je posai sur la table devant laquelle je me suis assise. Nich déposa son balai et vint s’asseoir avec moi.

- Merci pour ton aide, ai-je dit sincèrement. C’est très apprécié.

Je lui adressai un sourire avant de baisser les yeux vers mon café et d’en prendre une gorgée. Un silence s’installa entre nous. Je n’osais pas trop regarder mon ami d’enfance. Je crois que ni lui, ni moi n’avions l’intention de s’excuser des paroles que nous nous étions échangées à Noël. C’était inutile pour le moment de revenir sur le sujet et de se disputer à nouveau.

- Alors euh… Comment tu vas?

C’était une question sincère. Ce n’était pas seulement pour meubler le silence que je lui demandais comment il allait. Pas une journée ne s’était écoulée sans que je pense à lui et, si au début ça m’avait rendu triste, j’avais fini par accepter un peu plus la situation. Pas complètement, mais c’était mieux que rien. Depuis ma conversation avec Myung hee, j’avais réussi à me convaincre que Nich et moi c’était vraiment fini. Je ne niais aucunement que c’était peut-être la présence de Woo Jin au Café plusieurs fois par semaine qui avait contribué à me rendre heureuse et à combler le vide laissé par mon ami.

Bref, j’avais des projets et je ne sentais plus que mon bonheur dépendait de la présence de NichKhun dans ma vie. Ça ne signifiait pas que je ne l’aimais plus. Au contraire. Seulement que j’arrivais à le laisser être heureux de son côté en étant heureuse du mien. La moindre des choses était de lui demander s’il était heureux.

Après une longue et épuisante journée que j’avais passé sur un contrat, j’allais enfin retrouver mon appartement chaud et douillet. Dès que je rentrai chez moi, j’entendis la sonnerie du téléphone. qui pouvait appeler à 21h?! Je me précipitai pour répondre, mais je me pris les pieds dans un jouet du chien et au lieu de saisir le téléphone avec classe, je me cognai le front contre le rebord de la table où se trouvait le téléphone. Je me retrouvai assis à terre avec la main sur ma tête comme si de faire ça allait atténuer la douleur. Je gémis en me frottant le front et en regardant le jouet de malheur qui avait causé ma chute. Doogie ne tarda pas à apparaître, la langue pendante et son air innocent. Je criai à l’animal d’aller se cacher s’il ne voulait pas se manger un coup de pied au visage et par magie, il partit en peur vers le salon. Je me relevai difficilement ayant aussi mal à la hanche car j’avais mal tombé. Le téléphone avait cessé de sonner depuis plusieurs secondes et je me dirigeai donc vers la salle de bain pour voir les dégâts dans le miroir. Je relevai mes cheveux de mon visage pour constater que c’était certain qu’une énorme bosse allait apparaître demain sur mon front. Je soupirai en ayant des envies de meurtre envers ce chien.

Je filai donc sous la douche pour me relaxer le temps de quelques minutes. Quand je fus serein et calme, j’éteignis le jet d’eau et c’est alors que j’entendis le téléphone qui sonnait encore. En un coup de vent, j’attrapai la serviette sur le rebord de la douche et je courus jusqu’au téléphone qui cessa de sonner une fois que je l’eus pris en main. Cela mérita mon plus beau regard noir. Au moins, j’avais réussi à ne pas glisser et retomber à terre.

Deuxième tentative pour relaxer; une fois habillé je récupérai une énorme couverture dans ma chambre et je filai dans le salon avec une bonne bière à la main et le téléphone de malheur. Je mis un film dans le dvd, puis je m’allongeai confortablement sur le sofa et poussai un soupir de bien être. C’est bon je ne bougeais plus de là. C’était moi, et Hal 9000 pour les deux prochaines heures et demie.

Alors que l’intrigue commençait, je ratai une crise cardiaque quand le téléphone fit encore des siennes. Je le fixai lui qui était sur la table basse. J’étirai tant bien que mal le bras pour l’atteindre, mais parce que ce n’était vraiment pas ma journée, je tombai, toujours dans ma couverture, en bas du sofa en ayant même pas atteins le téléphone. Je devais m’être déplacé l’épaule. Ce n’était pas possible comment ce plancher n’était pas confortable quand même! Je remontai sur le divan en grognant et le chien vînt me retrouver en se couchant sur mes pieds. Je le regardai alors en lui promettant de ne plus jamais tenter de répondre au téléphone ce soir. C’était encore un plan du diable pour obtenir mes précieux services avant le temps et ainsi me tuer; j’en étais certain.

Un bon deux heures s’écoula avant que le téléphone tente encore sa chance en sonnant et en me dérangeant alors que Hal 9000 prenait le contrôle. Je boudai en ignorant la sonnerie, mais le chien aboya et je le questionnai alors du regard. Il jappait réellement fort contre l’appareil et il montrait les dents. Cette petite bête rachitique n’avait jamais été agressive à part quand…
Je me précipitai pour prendre le téléphone sur la table basse en tombant une seconde fois violemment sur le plancher.

« Oui allô? » dis-je en faisant attention de paraître le plus naturel possible malgré le fait que j’allais me réveiller demain avec plus de courbature que si j’étais allé disputer un match de rugby la veille.


« Je suis désolée d’appeler aussi tard… Min Seul est là? »

Je fus surpris et j’eus un moment de silence où j’essayais de comprendre. Je tournai la tête vers le chien étant bouche bée. Comment cet imbécile avait su que c’était Hyun Ae qui appelait. Quand je me rendis compte que je foutais un sacré blanc, je fini par lui répondre un simple non. Euh…c’était quoi déjà sa question?!

« J’aurais vraiment besoin d’elle au Café demain. J’ai essayé de la joindre sur son téléphone, mais elle ne répond pas. Si tu la vois, peux-tu lui dire de venir travailler à sept heures? C’est vraiment important parce que je ne peux pas être toute seule de six à vingt-trois heures et… »

Mes yeux roulaient de tous bords et je me pinçai même la peau pour voir si je ne rêvais pas. Hyun Ae était en train de me parler et pas rien qu’un peu en plus de ça. Soudainement, elle arrêta son monologue pour changer de sujet et me demander de faire le message à Min Seul quand je la verrais.

« Euhh, oui…je crois que…oui? Ouais je..? ouias ouias! »

J’avais besoin d’un cours 101 sur comment parler au téléphone moi…
J’entendis la ligne se couper et j’éloignai l’appareil de mon visage pour le fixer. Est-ce qu’il venait vraiment de se passer ce qu’il venait de se passer. Je restai muet, toujours au sol, et je regardai le chien avant de le saisir et l’embrasser sur le dessus de la tête. Dorénavant, il allait être mon alarme à Hyun Ae. J’ignore si l’occasion allait se présenter à nouveau, mais bon…

Alors que j’étais en train de me dire que cela avait assez duré et qu’il me fallait revoir mon amie d’enfance tôt ou tard, une silhouette apparue dans mon champs de vision périphérique. J’étais tellement dans ma bulle que j’avais pas entendue Min Seul qui venait de rentrer. Elle me regarda étrangement. Je la regardai un instant avant de porter à nouveaux mes yeux sur le téléphone, puis sur elle. Cette dernière ne chercha pas à savoir ce que je faisais sur le plancher et me souhaita son bonne nuit habituel avant de disparaître dans sa chambre pour dormir. Je regardai alors le chien d’un air malicieux. Min Seul ne verrait donc pas les appels manqués de Hyun Ae avant un moment?

« Tu te rappelles toi de ce que Hyun Ae m’avait demandé de dire à Min Seul? »

Le chien ne répondit pas, bien entendu, et je souris à nouveau de satisfaction

« Mouias toi non plus tu ne sais plus. C’est ce que je me disais! »

Je me levai précipitamment et je ne pris même pas le temps de fermer la télévision avant de filer dans ma chambre pour régler mon réveille-matin. En moins de 2 minutes, j’étais couché dans mon lit.

Quand le cadran sonna le lendemain à 6h30, je ne compris pas en premier lieu ce qui se passait. Puis, après m’être rappelé l’appel de Hyun Ae la veille, je fis taire le cadran tout en me plaignant. Ce n’était pas une heure pour se réveiller ça! Il faisait même pas soleil encore!

Après les tâches habituelles du matin, je filai vers le Chokollis sans laisser un seul mot à Min Seul. Quand je sortis de la voiture qui était stationné près du petit café des Cho, je m’efforçai d’effacer mon air du gars qui n’a pas assez dormi et un sourire forcé apparu sur mon visage.

Dès que j’entrouvris la porte du café, je vis Hyun Ae qui venait de poser son dur regard sur moi. Ça commençait bien…

Elle garda le silence et je me suis avancé vers elle avant de lui annoncer que Min Seul ne pourrait pas venir travailler aujourd’hui, mais que je pourrais l’aider et la remplacer. Oui bon c’était faux, mais c’était la seule solution que j’avais trouvé pour la revoir. Et puis, bien fidèle à mes habitudes il fallait bien que je reprenne cette amitié là je l’avais laissée, sur un mensonge. Et puis, cela n’en était pas vraiment un. Il est vrai qu’elle ne pourrait pas venir, puisque je ne lui avais pas fait le message.

« Merci NichKhun, mais je vais me débrouiller. »

J’avoue que je fus surpris en entendant son refus. Hyun Ae était si orgueilleuse que ça? J’avais "accepté" de faire les premiers pas. Pouvait-elle au moins ne pas m’envoyer promener?

« C’est bête…j’ai oublié où mon appartement se trouve. Tu vas être obligée de me garder… »

Je lui fis mon air du gars navré en haussant les épaules et Hyun Ae me fit aussitôt dos pour retourner derrière son comptoir. Je me mis à rire sans qu’elle puisse le voir. Oui, son comportement de gamine me faisait rire. De toute façon, ce n’était qu’une question de minutes avant qu’elle flanche. C’est pourquoi je décidai d’aller attendre dans mon coin et observer la scène bien assis à une table du café. À peine deux minutes après, le premier client fit son entrée. Et voilà, mon plaisir allait commencer!

Pendant une bonne demi-heure, voire plus, j’avais observé docilement l’action qui se déroulait dans le café. Hyun Ae pouvait se montrer drôlement efficace quand même. Cependant, malgré toute la volonté et le cœur qu’elle pouvait avoir, la file formée par les clients ne cessait de s’allonger. Je notai bien vite le premier couple qui rentra dans le café et qui en sorti aussitôt en voyant l’attente. Hyun Ae allait céder bientôt. Je le sentais.

Je la vis arriver des milles à la ronde quand elle s’approcha de ma table. Je voulu cacher mon sourire victorieux et j’affichai un air indifférent et en faisant semblant que je ne l’avais pas vue.

« T’as déjà utilisé une caisse? »

Je relevai la tête vers elle avant de lui répondre que oui. Elle ne dit rien de plus et je me levai pour aller me placer derrière cette fameuse caisse. Je ne voudrais pas me vanter, mais le service roula bien plus vite et vers 10h30, Hyun Ae eu raison de cette vilaine file interminable. Alors que je croyais avoir un moment de répit et perdre mon temps à flâner jusqu’à ce que le nouveau rush arrive, Hyun Ae en décida autrement en me donnant le balai. Je regardai l’objet de malheur avec un air de dégoût.

« Tu veux vraiment que je prenne ça? C’est pour les vieilles sorcières les balais! »

Elle insista en le rapprochant le manche encore plus près de mon visage. Je soupirai silencieusement pour ensuite me remettre à la tâche. Quand j’eus fini de passer dans tous les petits recoins que ce café pouvait avoir, j’allai rejoindre Hyun Ae à la table où elle était assise. Elle me poussa une tasse de café tout en me remerciant de mon aide. Je hochai de la tête un coup ne sachant pas trop quoi répondre à cela. Il eut ensuite un léger moment de silence que je ne voulais pas briser car je savais que si je parlais j’allais dire une idiotie.

Contrairement à mon comportement, j’étais encore très blessé par les dernières paroles que nous nous étions échangées à Noël. Certes, étant le gars que je suis, je n’avais pas voulu le laisser paraître et pratiquement personne de mon entourage s’était aperçu de mon changement d’humeur. Il y avait peut-être bien Kyung Ae, mais c’est bien juste parce qu’il avait eu la chance d’avoir les deux côtés de la médaille et surtout d’assister à mon départ précipité à Noël.

Je ne croyais pas que de revoir Hyun Ae aujourd’hui allait être aussi étrange. Je n’avais jamais été du genre à être rancunier, mais cette fois-là, ses dires m’avaient vraiment atteins. Apparemment que c’est la vérité qui fait le plus mal. Enfin, je regrettais certaines choses que j’avais pu lui dire, mais ce que je regrettais c’était d’avoir été aussi "gentil" comme j’avais pu l’être. Je ne regrettais pas d’avoir empêché un baiser entre nous. Je ne regrettais pas de lui avoir tourné le dos non plus. C’était un mal pour un bien. Notre relation n’aurait jamais fonctionné.

Si j’étais ici maintenant, ce n’était donc pas pour lui présenter mes excuses. Ni pour lui annoncer que j’avais fait la plus grande erreur de ma vie en choisissant Myung Hee. C’était seulement pour retrouver cette Hyun Ae qui avait été ma meilleure amie durant toute mon enfance. Je venais essayer de recoller les morceaux avec cette fille qui était pratiquement ma deuxième moitié.

« Alors euh… Comment tu vas? »

Je relevai la tête vers elle en restant silencieux un moment. Je fini par lui répondre que j’allais bien sans trop élargir sur la question plus que ça. Je ne voyais pas l’intérêt de lui raconter ma vie des dernières semaines. Je voulu rapidement contourner le sujet de mes occupations en lui retournant la question. Je ne lui laissai toutefois pas le temps de répondre à cause de ma nervosité et je fis sous-entendre que je ne l’avais pas vu aussi rayonnante et pleine de vie depuis des mois…voire plus d’un an.

Inconsciemment, je vins à douter de ma décision d’être venu la voir aujourd’hui. Elle se portait très bien sans moi. J’en étais convaincu. C’est sûr que je n’aurais pas voulu mettre les pieds ici et découvrir une Hyun Ae en pleine dépression, mais à cet instant, j’eus un petit pincement au cœur en constatant qu’elle semblait s’être mieux remis, de notre dernière dispute, que moi.
Alors qu’elle me répondait à ma question en affirmant que oui tout allait bien, je perdu le fil de la discussion en remarquant un détail anodin que normalement je n’aurais pas remarqué. Hyun Ae était maquillée. Pour être venu très souvent prendre un café ici, je pouvais dire avec conviction qu’elle ne se maquillait jamais pour venir travailler au Chokollis. Si je me fiais à mes connaissances cinématographiques qui ne m’avaient jamais trahis jusqu’à maintenant, cela voulait dire que…

« C’est quoi son nom? » dis-je en lui coupant soudainement la parole.

Elle se redressa et sembla offusquée que je me permette un tel commentaire.

« Je ne vais pas engager un tueur à gage…je veux juste connaître son nom. »

Un moment de silence s’installa de nouveau et nous nous fixâmes du regard. Finalement je rompu la tension entre nous en baissant les yeux pour jouer avec la anse de ma tasse.

« En autant que tu puisses être heureuse… »

Je relevai la tête en lui faisant un sourire forcé en coin pour ensuite me relever et la remercier pour le café. Je n’avais pas pris une seule gorgée de celui-ci, mais je ne tenais plus en face d’elle.

« S’cuse moi »

Je récupérai ma tasse et j’évitai ainsi son regard. Ben oui, idiot, qu’est-ce que tu croyais…? Qu’une fille comme Hyun Ae resterait célibataire bien longtemps? Cela faisait-il longtemps? Peut-être que ça datait même d’avant Noël. Peut-être que c’était quelqu’un que je connaissais. Ce qui expliquerait pourquoi elle avait voulu couper les ponts avec moi. C’est bon, je regrettais définitivement d’être venu à la place de Min Seul. J’allai derrière le comptoir pour vider le café dans l’évier et ensuite la laver. Je restai par contre là à fixer la tasse qui était maintenant bien propre.

J’avais souhaité de tout cœur qu’elle trouve le bonheur et qu’elle tombe amoureuse, mais maintenant je ne pouvais nier que cela me faisait quelque chose de savoir qu’un autre pouvait la faire sourire.

Je me rendis bien vite compte que je n’avais pas le droit d’agir de la sorte. J’allais me marier dans moins d’un mois. Je devais cesser d’être protecteur envers Hyun Ae. Je pris une grande respiration avant de relever la tête et voir que mon amie d’enfance se trouvait juste en face de moi. Je ne voulu pas lui laisser paraître ma déception et je tentai de reprendre la discussion, mais je ne pensai pas réellement aux mots que j’allais dire.

«Tu m’as impressionné tout à l’heure. J’veux dire, tu ne semblais pas découragée à cause du surnombre de clients et je suis pourtant sûr qu’il te manque plusieurs heures de sommeil dans le corps. »

Un peu sur le coup, je me rappelai de la date d’aujourd’hui. Nous étions censés aller à ce chalet en fin de semaine, mais le destin en avait décidé autrement.

«Au moins, tu auras tout le week-end pour te reposer je suppose. »

Je continuais de frotter cette tasse qui était bien propre depuis longtemps et qui allait commencer à briller si je ne cessais pas.

- C’est quoi son nom? M’interrompit-il.

- Je ne vais pas engager un tueur à gage…je veux juste connaître son nom.

- En autant que tu puisses être heureuse…

- Tu m’as impressionné tout à l’heure. J’veux dire, tu ne semblais pas découragée à cause du surnombre de clients et je suis pourtant sûr qu’il te manque plusieurs heures de sommeil dans le corps.

- Au moins, tu auras tout le week-end pour te reposer je suppose.

- Café Chokollis, bonjour!

- Min Seul vient prendre la relève, lui ai-je annoncé. Merci encore d’être venu m’aider, Nich…

- Nich… Viens au chalet avec moi.

Je gardai les yeux sur ma tasse à café jusqu’à ce que Hyun Ae me l’enlève des mains. Elle ne tarda pas à s’attaquer aussi à l’éponge que je tenais. Elle les mis à l’écart pendant que je me tournai vers elle un peu confus. Hyun Ae n’aimait pas ma façon de laver la vaisselle? Puis, j’eus l’impression d’avoir raté un chapitre à notre histoire. Hyun Ae s’avança d’un pas vers moi avant de m’enlacer pour venir poser sa tête sur mon épaule. Je restai un instant les bras éloignés de mon corps, la bouche entrouverte sous le coup de la surprise. Finalement, sans trop comprendre, instinctivement j’enlaçai à mon tour mon amie pour resserrer l’étreinte.

Je ne pus m’empêcher de me demander ce que j’avais pu dire pour qu’elle me tombe ainsi dans les bras. Certes, j’avais toujours eu les filles que je voulais facilement, mais là c’était un peu exagéré! Attends, nos derniers mots qu’on s’étaient échangés à Noël étaient bien des mots d’adieu? Et aujourd’hui?…Non j’avais beau réfléchir je ne voyais pas ce que j’avais pu faire pour qu’elle me pardonne.

Même si mon intention de venir ce matin était très claire dans mon esprit, soit de refaire de cette fille ma meilleure amie. Je restais malgré tout réaliste; je ne pourrais jamais retrouver ce lien précieux et unique que j’avais avec cette fille qui était toute ma vie. Jamais ça pourrait redevenir comme avant. Maintenant que nos sentiments avaient été dit très clairement, j’aurai toujours de la difficulté à retrouver notre complicité que nous avions il y a peine un an de cela. Même si nous redevenions amis, je ne serais pas capable d’être autant affectueux comme dans le passé. Allais-je seulement pouvoir l’appeler Poussin à nouveau?

Nous sommes restés ainsi, dans le silence le plus complet, jusqu’à ce qu’un client décide que c’était son heure pause café. Le bruit que fit la porte lorsqu’elle fut ouverte nous ramena tous les deux sur terre et Hyun Ae fit un pas vers l’arrière pour ensuite aller accueillir le client et lui servir son café. Pour ma part, je pris une brève respiration avant de partir un peu plus loin du comptoir pour faire semblant de travailler pour ne pas qu’on pense que j’étais songeur ou quelque chose du genre. Je voulais faire le plus naturel possible, mais de ce fait, je semblait le moins naturel de la pièce.

Quand la personne quitta le café, je me retournai vers Hyun Ae pour lui dire ce qui m’avait passé par la tête, quand ce fut le téléphone qui se mit à sonner. Un regard plus noir n’existait pas. Je restai figé sur l’appareil qui sonnait me rappelant tout d’un coup mes blessures de guerre de hier soir avec mon téléphone de la maison. Appareil du diable quand même!

« Café Chokollis, bonjour! »

Je levai les yeux vers le haut en soupirant pour retenir mon envie de démolir le téléphone avec la première batte de baseball qui se trouverait sous ma main. J’ignorai la conversation que Hyun Ae avait, jusqu’à ce qu’elle mentionne le nom de Min Seul. Je me retournai alors vivement la tête vers Hyun Ae et je compris rapidement que ma coloc devait tout juste se réveiller et qu’elle venait de voir les appels de Hyun Ae. Je pouvais déjà m’imaginer en train de tenir compagnie au chien à l’appartement pour l’après-midi. Génial!

Hyun Ae raccrocha et elle m’annonça la nouvelle que j’avais déjà devinée. Elle enchaîna en me remerciant d’être venu l’aider, mais je ne pu vraiment accepter ses remerciements puisqu’en fait je ne l’avais pas vraiment aidé. Min Seul aurait fait mieux et je venais de la priver d’un chiffre. Arf je lui enlèverai le montant qu’elle avait perdu ce matin sur le prochain loyer. Il me restait plus qu’à prier pour que ces deux-là ne se parle pas trop. Si Hyun Ae apprenait que j’avais fait exprès d’omettre de dire le message à ma coloc…enfin, je ne pouvais rien perdre de plus.

Alors que je prenais mon manteau que j’avais laissé sur une chaise, Hyun Ae reprit la parole et me dit quelques mots qui eurent pas mal d’impact sur moi.

« Nich… Viens au chalet avec moi. »

J’aurais pu faire mon orgueilleux. Peut-être que j’aurais dû. Elle avait refusé mon cadeau; ça allait donc de paire que je fasse de même au vu de ma personnalité des plus vivables et faciles à côtoyer. Toutefois, même si je savais pertinent que j’allais avoir le droit à un interrogatoire en revenant de la fin de semaine, gracieuseté Cho Myung Hee…

« …On part à quelle heure? » dis-je le sourire aux lèvres.