Travailler. Travailler. Travailler. Ne faire que ça pour oublier. Mais oublier quoi ... ?

Je soupirais, réglant les détails d'une séance photo à venir, assise derrière mon bureau. J'étais totalement épuisée, et ça se voyait. Pour être prise au sérieux dans ce milieu, j'avais sacrifié beaucoup d'heures de sommeil. Trop, sûrement. Mais je le voulais. J'avais envie de réussir sans l'aide du nom de mes parents. D'un côté, c'est normal non ? Je baillais, la main devant ma bouche, alors que mon assistante entrait dans la pièce et, avancant vers moi, elle posa une tasse de café devant moi, soupirant.

- Tu travaille trop !!

La remerciant et prenant la tasse, j'éclatais de rire, buvant ensuite le liquide, qui me brûla un peu la gorge, mais que ça me fit un bien fou. Je la regardait, aussi détendue que possible.

- Mais non ...

J'avais l'impression qu'elle avait pitié de moi. C'était une sensation très ... Désagréable. Je finis très vite ma tasse de café puis, jetant un œil à l'écran de mon ordinateur, je me levais en paniquant, effrayant mon assistante, qui était retournée à ses occupations. Elle poussa une sorte de cri qui me fis sourire, tandis qu'elle me lançait un regard noir.

- Excuse moi mais ... J'avais complètement oublié la séance de cette après midi ...

À son tour de rire. Nous sortions de la pièce et allions là où allait se dérouler la séance photo. Puis toutes les deux, nous mettions en place le matériel. Bouger de ma chaise m'avais reboostée. Mais une chose est sûre. Ce soir, je dors. Dans mon lit. Pas sur mon bureau. D'ailleurs, il fallait que je fasse le ménage chez moi ...

Une fois que nous ayons finis, je me laissais tomber sur le canapé qui servirait dans peu de temps, soufflant. J'attendais cette séance photo avec impatience. C'était donc étonnant que j'oublie presque d'aller préparer la salle ...

Epuisé. Déçu. En colère. Voilà trois adjectifs qui collent à la peau d’Arthur comme une nuée d’insectes qui vous sucent le sang sans scrupules. Il vient de passer une matinée horrible. Il vient de vivre une rupture extrêmement violente, d’autant plus forte que sa relation avec Min Yeon était déjà finie depuis longtemps mais Arthur refusait simplement de l’admettre. Il aurait dû savoir que cette jeune femme allait se lasser de lui dès qu’ils seraient rentrés à Ulsan. Il était son meilleur ami après tout. Il aurait dû rester à sa place quand ils étaient à Séoul mais c’était plus fort que lui. D’ailleurs, elle aurait pu le repousser ou rompre avec lui dès le moment où leur avion aurait atterri dans la ville où les deux jeunes gens vivent. Elle s’est contentée de le jeter en l’évitant. Elle est partie aux Etats-Unis quelques jours plus tard et elle ne lui a plus donné signe de vie depuis. Par la suite, elle est rentrée en Corée et elle a continué à l’ignorer. Arthur ne l’a pas supporté, il a donc été lui parler quelques heures auparavant, ce qui n’a pas arrangé son état même s’il en a à présent le cœur net. Il a également senti qu’elle fréquente un sex-friend qui est devenu un peu trop proche d’elle à son goût. Si ça se trouve, c’est pour lui qu’elle a quitté le sol coréen à leur retour de Séoul. Comment l’avait-il deviné ? Il la connaît par cœur et son instinct est très aiguisé. Et il avait vu juste. Cette séparation est déjà suffisamment douloureuse comme cela, il n’avait vraiment pas besoin de savoir qu’elle avait un amant qui comptait plus que lui. Le simple fait d’imaginer cet inconnu dans le lit de sa douce lui retourne l’estomac. Il l’a vécu comme une double trahison. Il a perdu à la fois sa meilleure-amie, sa copine et il est cocu. Il a donc tout perdu. Sur tous les plans. Excepté celui du travail. Et puis il se doit d’aller bosser, par ailleurs il lui reste Tae Jun, Yujin et ses autres camardes mais, pour le moment, il pense que tout lui glisse entre les doigts. Il ne lui reste que ses études et son emploi.

Il est donc rentré chez lui, abandonnant son pull au sol, laissant apparaître ses abdominaux finement galbés qui en font fondre plus d’une comme du beurre au soleil. Il a fait glisser son jeans en l’abandonnant un peu plus loin avant de se placer sous la douche. L’eau qui s’en échappe lui donne l’exquise impression de tout laver. Il s’est senti plus pur en sortant. Il a enfilé une chemise blanche, un pantalon noir et des baskets sombres. Il complète sa tenue à l’aide d’une veste fine à gros boutons.





Il est à présent dehors, l’air froid rigidifie ses cordes vocales. Ce mal lui fait beaucoup de bien. Il sent enfin son cœur battre dans sa poitrine. Chaque pulsation provoque une douleur particulière en lui. Néanmoins, cela le réveille. Arthur se dirige vers le métro, perdu dans ses pensées. Pour le moment, il savoure la sensation de s’extraire peu à peu de cette léthargie sourde et profonde. Mais, et après ? Sera-t-il obligé de choisir entre la survie et la douleur ? Ce n’est pas une vie. Il pourrait en parler à Tae Jun mais il ne veut pas l’ennuyer alors qu’il file le parfait amour avec l’une de leurs amies communes : Yujin. Il n’a même pas envie de se confier à son beau-père. Il l’avait déjà fait il y a quelques années, lorsque son premier amour s’était moquée de lui en l’enregistrant durant l’acte et en divulguant ensuite sa piètre performance à l’entièreté du lycée. Son père d’adoption ainsi que sa femme l’ont protégé mais il n’était encore qu’un lycéen à l’époque. Il doit apprendre à se débrouiller seul maintenant.

Arthur arrive enfin au studio qu’il connaît bien et qui lui avait tant manqué. Tout le monde le salue : la réceptionniste, les vigiles à l’entrée et les machinistes. Ceux-ci remarquent le teint malade de sa peau. Arthur les rassure rapidement avant de déposer ses affaires au vestiaire pour finir par se diriger vers la salle dans laquelle ils recroisent les techniciens. Le photographe non plus, ce qui est étrange vu qu’il devrait être en train de préparer son matériel.

Tout à coup, il remarque un petit corps léger qui se balade d’un bout à l’autre de la pièce afin de la préparer avec énergie. Il s’agit d’une jolie brunette qui ne doit pas être tellement plus âgée que lui. Est-ce-elle la nouvelle photographe ? Il voudrait l’accueillir avec chaleur mais il n’y parviendra pas dans son état actuel. Il est pourtant obligé de s’approcher d’elle et de lui tendre la main :

« Bonjour, enchanté de vous connaître. Je ne vous ai jamais vue ici. Je m’appelle Kang Arthur, je suis mannequin. »

Alors que je me prélassais sur "mon" canapé, mon assistante arriva et soupira.

- Seong Hee ... Tu n'as pas finis de préparer hein ...

Je levais les yeux, un peu surprise, et regardais autour de moi, constatant avec étonnement que mon adorable assistante avait raison. C'était assez étrange, parce qu'en temps normal, j'étais assez méticuleuse dans mon travail ... Qu'est ce que j'avais ? Est ce que c'est à cause de la séance photo que je faisais n'importe quoi ? Quand même pas ...

Soupirant, je me levais puis me remis au travail, cette fois ci aidée de mon assistante, qui avait pitié de moi et de mon état assez ... étrange disons. En même temps, je la comprends !! J'étais blanche, flasque et à côté de la plaque. Fatiguée certes, mais ce n'était pas la cause ...

« Bonjour, enchanté de vous connaître. Je ne vous ai jamais vue ici. Je m’appelle Kang Arthur, je suis mannequin. »

Je sais bien qui tu es ... Mon cœur accéléra, comme quand on m'avait annoncé le nom du mannequin d'aujourd'hui. Prenant mon courage à deux mains, je me tournais et fis mon plus beau sourire. Faux, mais le plus beau.

- Bonjour !! Moi de même. Je suis donc hum ... La nouvelle photographe, Choi Seong Hee.

Attrapant délicatement la main qu'il me tendait, je la secouais doucement. Pourquoi avait il fallut qu'il devienne mannequin ... ? Pourquoi j'étais venue dans la même ville que lui ... ? Arf ... C'était bien trop tard pour faire machine arrière ...

Lâchant finalement sa main, je fis mine de réfléchir, puis l'habilleuse fit son apparition. Oh, tu es ma sauveuse !! Je souris de plus belle.

- Hum ... Je vais vous laisser vous changer et vous faire maquiller ... Et ... Revenez donc quand vous avez fini !!

Il est tellement beau ... Ça me perturbait tellement. j'avais peur de ne pas faire mon travail correctement.

Je l'aime ...

Arthur vient tout juste de rentrer dans la salle pour recevoir les directives du photographe. Ce dernier s’avère être une demoiselle à peine plus âgée que lui. Malgré son état dû à sa rupture de ce matin, il est allé la saluer le plus gentiment possible. Il n’est pas aussi souriant que d’habitude mais après tout, il a fait de son mieux et c’est la seule chose qui compte, n’est-ce-pas ? Il aurait pu l’ignorer, se dire qu’il s’en fichait. Néanmoins, notre franco-sud-coréen n’est pas comme cela et il s’est donc empressé de serrer la main que la demoiselle lui tendait. La sensation de cette main dans la sienne souleva son cœur comme s’il n’était plus qu’un poids plume alors qu’il est à présent plus lourd qu’une grosse pierre trouvée sur le flanc d’une montagne rocailleuse. Arthur est malade. Il s’est fait posséder sur toute la ligne. Min Yeon aurait pu avoir confondu l’amitié et l’amour mais elle aurait dû être claire avec lui. Il en aurait souffert mais il aurait pu passer plus rapidement à autre chose sans pour autant perdre sa meilleure amie. La sensation qu’il éprouve d’avoir tout perdu est renforcé par le fait que la dispute qui a éclatée entre nos deux jeunes gens ne s’est pas seulement faite entre « amoureux » mais également entre amis. Et Arthur en est profondément blessé. Il aimerait aller en parler à Tae Jun. Il n’osera pas, du moins pas aujourd’hui. De plus, nos deux jeunes hommes sont déjà lancés sur le marché du travail et ils sont très professionnels. Ce n’est donc ni le moment pour Arthur ni le moment pour Tae Jun de se téléphoner. Et quand bien même ça le serait, il aurait trop peur de le déranger. Ce ne sera jamais le cas, on ne fera jamais plus unis que ces deux-là. En tous les cas, Arthur n’a qu’une envie : se saouler dans son travail, ne penser à rien d’autre et aller se réfugier sous ses couettes vers 18h en regardant un bon film déprimant à souhait. Après quoi, il ira manger avec ses beaux-parents qu’il adore car ce repas de famille dans un restaurant français était prévu depuis longtemps. Ceux-ci voulaient faire plaisir à Arthur et ils seraient déçus de voir Arthur roulé en boule dans son lit ou sur le canapé tandis qu’ils se tiendraient sur le bas de la porte.

La jeune photographe lui indique qu’il peut aller se changer et se maquiller. Elle s’est présentée sous le charmant nom de Choi Seong Hee. Au moins, celui-ci est très différent de « Han Min Yeon » et tant mieux. De plus, les deux jeunes femmes ne se ressemblent pas. Bien qu’elles semblent faire la même taille, Minie est plus élancée et plus fine aussi. Seong Hee, quant à elle, est loin d’être grosse mais elles ne sont pas du tout le même genre de fille. Min Yeon est davantage sophistiquée. Il secoue la tête : pourquoi penser à tout cela ? Il ne va tout de même pas se mettre à comparer son ex à une photographe qu’il connaît à peine. Il est persuadé qu’ils se rencontrent pour la première fois, or cette petite bouille lui évoque étonnamment quelques rares souvenirs lointains et flous. Il lui sourit légèrement :

« Enchantée mademoiselle Choi. Je vais me changer de ce pas et je reviendrai dès que les maquilleuses auront terminé. » Arthur était tellement choqué des évènements de ce matin qu’il en avait oublié de se changer. Il a pourtant été déposer ses affaires mais celles laissées par la costumière, enveloppées sous du cellophane, l’ont laissé complètement indifférent. D’autres photographes, impatients d’assouvir leur autorité sur un petit mannequin l’aurait enguirlandé, mais Seong Hee semble être douce et gentille.

D’habitude, Arthur regarde systématiquement son planning afin de se préparer selon les thèmes de la séance du jour. Néanmoins, il ne l’a pas encore fait, à cause de tout ce remue-ménage. Il s’est dit que ce n’était pas grave, qu’il improviserait. D’ailleurs, l’improvisation constitue soixante pourcents de son travail, alors il sait tout de même ce qui l’attend.

Ou du moins, c’était ce qu’il croyait. Le destin avait décidé de lui rentre la tâche difficile.
Un costard blanc et noir pendait sur la poignée de la porte des toilettes. Il s’en saisit, incrédule. Pourquoi un costard, lui qui était habitué aux vêtements plus extravagants ? N’y comprenant rien, il décida d’aller sur son portable afin de voir ses mails envoyés par son agence. Ce qu’il découvrit le glaça : le thème de la séance d’aujourd’hui se trouve être « Le Mariage ».

Il enfile à contre cœur la chemise par-dessus son beau torse musclé, le pantalon ainsi que la veste noir, enroule le nœud papillon autour de son cou (sans pour autant enlever ses boucles d’oreilles, afin de garder un appui avec le réel) et il se dirige vers le salon où l’attendent les maquilleuses. Il s’assoit dans son fauteuil habituel et ferme les yeux, non pas pour se reposer comme il le fait parfois, mais pour ne pas voir son reflet dans le miroir. Les jeunes femmes qui le fardent sont habituées à le voir souriant et détendu, même quand il somnole. Souvent, il leur raconte même quelques petites blagues amusantes.

Elles sentent bien que quelque chose cloche mais aucune n’ose lui demander ce qu’il ne va pas. Un quart d’heure plus tard, il réapparait face à Seong Hee.

" Nous pouvons commencer " dit-il en posant sa bouteille d'eau près du plateau.

HJ: J'ai pris une trentaine de minutes pour l'écrire donc désowlée, ça aurait pu être mieux mais j'suis à la bourre T_T

Qu'est ce que j'ai fais au ciel hein ? Je soupirais, le regardant partir. Puis, alors que je m'assurait que tout soit près pour le shooting à venir, mon assistante se glissa près de moi, son sourire et sa démarche féline ne présagent rien de bon. Du moins ...

- Il est trop mignon !! Pourquoi nous n'avons pas eu l'occasion de travailler avec lui avant ?

Réprimant un rire gêné, j'haussais les épaules. C'est mieux comme ça ... Bon, j'avoue avoir attendu ce shooting, même si j'avais complètement oublié, mais je me rendais compte que je n'étais pas prête à le revoir. Mon assistante, qui me regardait sans comprendre, s’effraya presque quand je poussais un soupir.

- Eh ? Qu'est ce qu'il ne va pas ? Tu es malade ?

Malade ? Je me tournais légèrement vers elle et secouais la tête. Qu'est ce que j'avais ? Ne me dites pas que c'est parce que j'ai revu Arthur ... Si ?

Dans un geste excédé, je m'arrachais presque les cheveux, poussant une sorte de cri.

- Yah !! Tu veux me faire faire une attaque ?

- Ah euh ... Excuse moi !! Mais ... j'ai oublié un truc.

Sans faire attention à son air choqué, je filais dans mon bureau et une fois enfermée, je me laissais tomber sur mon canapé, soufflant.

- C'est quoi ça ...

Je me déprimais un peu beaucoup. Je réagissais vraiment comme la lycéenne folle amoureuse de Arthur, qui se cachait dans le couloir pour l'observer. En fait, j'avais même un peu honte ... Pourquoi je n'avais pas put passer à autre chose ? Je souris tristement. Il ne se rappelait même plus de moi ...

Ah ... Je suis pitoyable ...

Je ne sais pas combien de temps j'étais rester à me morfondre sur mon sort, car c'est mon assistante qui me "réveilla", poussant un soupir de soulagement.

- Que se passe t-il ... ?

- Tu as oublié que tu es la photographe ? Allez lève toi !! On est vachement en retard sur le planning !!

Soupirant, je me levais et marchait d'un pas lourd vers les autres, me préparant à voir Arthur. J'avais tellement peur ... Puis il fit son apparition, suivi des maquilleuses et stylistes, en cas de retouches à faire. Il est tellement beau ... Les battements de mon coeur accéléraient dangereusement et je priais pour que personne ne remarque mon malaise. Prenant une grande inspiration, je me plaçais derrière mon appareil photo et, l'attrapant d'une main tremblante, je fermais les yeux.

- Bon ... Vous êtes prêts ?