raconte-nous ta vie.

« Toute histoire mérité d’être racontée. »

C’est ce qu’on dit, oui. Mais je ne sais pas si cela peut s’appliquer à la mienne, d’histoire. Ma vie n’a rien d’extraordinaire : mon père est un connard, ma mère est une pauvre folle et mon grand-frère est un lâche. Rien de plus, rien de moins. Et dans tout ça, je suis quand même heureux. Oui, je pense que je suis heureux. Même si mon frère a coupé tout contacte avec moi. Même si mon père refuse de me parler. Même si ma mère ne répond quasiment jamais à mes appels. Et bien, malgré tout ça, je suis heureux. J’ai enfin la liberté dont je rêvais. Je fais enfin ce que j’ai moi-même choisi de faire.

Alors, oui, je suis presque heureux.

Novembre 2010. Mon grand-frère s’est tiré de la maison avec son petit-ami. Oui, PETIT-AMI. Autant vous dire que mon père n’a pas vraiment apprécié la blague. D’un, son plus vieux fils avait préféré abandonner l’entreprise familiale et devenir Tatoueur mais en plus, il était gay. Un scandale. Mes parents en parlent toutes les deux minutes, et j’entends également les employés en parler. Mon père en est traumatisé, je crois.
Janvier 2011. Je suis convaincu que j’ai reçu le dernier message de mon frère il y a une semaine. Peu près les fêtes, j’ai enfin osé demander à mon frère s’il regrettait ses choix dans la vie. Il m’a répondu qu’il ne regrettait qu’une chose : ne pas m’avoir emmené avec lui. Je lui ai alors demandé pourquoi est-ce qu’il ne revenait pas me chercher. Puis, plus rien. Plus un appel. Plus un message. Je crois même qu’il a changé de numéro.
Juillet 2011. Une fille est encore venue me déclarer sa flamme. Alors pour ne pas changer, j’ai commencé à trembler comme un débile, à rougir comme une tomate et à bégayer, et j’ai été incapable d’aligner trois mots. Alors j’ai souris, comme d’habitude. Et elle est partie en faisant une grimace, comme d’habitude. Je n’en ai pas parlé à ma mère, ni à mon père. J’ai trop peur qu’il s’énerve. Lui qui veut absolument que je lui ramène une fille à la maison pour lui prouver que je ne suis pas ‘anormal’ comme mon frère. J’ai envie de lui dire que je crois au grand amour, fille ou mec, mais jamais je n’oserais.
Mai 2012. Mes ‘copains’ ont voulu qu’on fête dignement mes 17ans. Mes parents avaient dit ‘non’. Mais j’ai désobéi. Première fois de ma vie. On a séché les cours pendant deux jours, et je suis revenu à la maison un soir, complètement cramé. Première fois aussi. Mon père m’a décollé une claque monumentale quand il a vu mon état et mes cheveux fraîchement châtain. Première claque. Première décoloration. Et encore, il n’avait pas encore vu le piercing sur la langue. J’ai bien cru qu’il allait me découper la langue. Et ma mère, elle a rigolé. Je crois qu’elle n’était pas dans un meilleur état que moi. Ma famille est tarée.
Septembre 2012. J’ai reçu ma lettre d’admission à l’université d’Ulsan. Mon père m’a félicité. S’il savait. S’il savait. Je serais déjà mort. Je ne me suis pas inscrit en Génie Civil comme il voulait mais en Vétérinaire. Je ne reprendrai pas non plus l’entreprise familiale. Et en plus, mon père déteste les animaux.
Octobre 2012. J’en ai parlé à mon père. Deuxième claque. Elle était encore plus douloureuse que la première. J'ai obéi au doigt et à l’œil de mon père et de ma mère spécialement pour leur annoncer ça, mais je crois que mon père y a pas réfléchi quand il a levé la main sur moi. Ma mère a encore rigolé. J’en viens à me demander si elle n’ait pas saoule tout le temps. À partir de la rentrée scolaire, il ne veut plus me voir à la maison. Ils m’enverront de l’argent mais je me démerderais. Je crois qu’il m’en veut beaucoup, et mon sourire n’y a rien changé.
Mars 2013. Je viens d’emménager dans mon nouvel appartement. Il est parfait, à mon image je trouve. Calme et chaleureux. Mes chats s’y sentent à priori très bien. Oui, parce que maintenant que j’ai mon chez-moi, j’ai pris des chats. J’adore ses boules de poils et en plus, comme ça, je ne sentirais moins seul. J’ai visité le campus et je sais que je vais passer une super année. Je me sens déjà bien à Ulsan, loin de tout ce que je connaissais.

Mon père a toujours voulu qu’on suive le chemin qui nous été tracé. Lycée privé avec des résultats exemplaires, université en génie civil avec la recommandation des professeurs, diplôme d’ingénieur en étant majeur de notre promo et reprendre coude à coude l’entreprise familiale. Mon frère a toujours été le rebelle de la famille. Pas de bonnes notes. Multiples absences injustifiées. Mais mon père avait toujours espoir qu’il se reprenne un jour en main. Pas de bol, mon frère s’est rebellé une dernière fois contre la famille avant de se tirer. Et c’est là que tous les espoirs de mon père me sont retombés dessus. Déjà que la pression était grande, mais à ce moment-là, elle est presque devenu invivable. Surtout qu’en gentil et tout mignon Jung Min, je n’osais jamais contredire mon père et je faisais tout ce qu’on me disait sans jamais râler. J’ai fait le lycée qu’il voulait aussi privé qu’il le voulait avec des résultats aussi exemplaires qu’il le voulait. Puis il y a eu le moment de faire nos choix d’avenir. D’un côté, il y avait ma raison et ma famille qui me hurlaient de choisir ‘génie civil’. De l’autre, il y avait mon cœur qui me pleurait de suivre mon rêve de devenir vétérinaire. Métier que je rêvais de faire depuis que j’étais gamin. C’était, exactement, depuis que j’avais sauvé un chat à l’aide du jardinier familial en le soignant et en l’élevant dans la cabane du font du jardin avant que mon père le découvre, renvoie notre jardinier et donne mon chat à sa secrétaire. J’ai jamais autant pleuré que ce jour. Face à ce dilemme, mes professeurs m’avaient simplement dit de suivre mon cœur. Et c’est ce que j’avais fini par faire, et je m’étais inscris à l’université en études vétérinaires. J’ai maintes et maintes fois redouté les conséquences de mon acte mais je n’ai jamais regretté d’avoir rempli cette feuille plutôt qu’une autre.

parle-nous de toi.

Jung Min est presque aussi complexe qu’il est simple. Paradoxal, non ? Disons que sa complexité peut paraitre simple ou que sa simplicité peut paraitre bien complexe.

Aux premiers abords, Jung Min est une personne calme et sans problème. Et c’est le cas. Il est relativement discret car il a toujours eu l’habitude d’être écraser par la présence de son frère étant jeune mais aussi car il ne voulait jamais déranger son père. C’est rare que des inconnus entendent sa voix très longtemps, il n’a jamais été très bavard et encore moins avec les gens qu’il connait peu. Et même s’il s’ouvre un peu plus aux personnes qu’il côtoie régulièrement, il n’aime quand même pas parlé de trop. Mais il entend tout. Il a les oreilles qui traînent partout, c’est plus fort que lui, et ce, même si la curiosité est un vilain défaut, et en plus, on a tendance à oublier un peu sa présence. Pas qu’il soit du genre à répandre des rumeurs ou quoi que ce soit, non, il aime juste savoir, même si pour oublier le lendemain. Parce qu’il ne ferait jamais ce qu’il n’aimerait pas qu’on lui fasse, et il sait parfaitement qu’il détesterait entendre des trucs sur lui se raconter, alors il parle jamais sur le dos de quelqu’un. Il a plus tendance à venir parler en face en cas de soucis, mais toujours gentiment. De toute façon, c’est très rare qu’il s’énerve. Faudrait le pousser à bout pour ça. Toucher à ses amis ou bien les animaux en général. Parce qu’il tient beaucoup à ses amis, et on y touche pas. Parce que ses amis, ce sont ceux qui ont réussi à percer sa bulle de protection et qui sont les rares à qui il a accordé sa confiance. Et ô combien, elle est précieuse sa confiance. Peut-être parce que les personnes aux quelles il tenait le plus l’ont trahi, comme son frère par exemple. Mais une fois que vous l’avez sa confiance, il ne vous lâche plus. Il est collant et très affectueux. Un vrai chat. D’ailleurs, si vous lui caressez les cheveux, il se roulera en boule sur vos genoux en ronronnant, mais presque personne ne sait qu’il est très câlin. Enfin, personne ne sait rien sur lui. Il ne parle jamais de lui, et esquive toutes les questions à son sujet en souriant. Oui, parce que sourire, c’est quelque chose qu’il fait tout le temps. Pour tout et pour rien. Et en plus, il a un sourire adorable, pauvre de vous. En faite, il est toujours adorable. Il est gentil avec tout le monde et sans se forcer, c’est de nature. Il ne dit jamais ‘non’ et il ne se plaint jamais qu’importe ce qu’il a à faire. Il lui arrive de râler pour la force, mais il fait toujours tout ce qu’on lui demande. C’est très rare qu’il refuse. Et à cause de son sourire permanent, il parait très sociable, ce n’est pas du tout le cas. Il est d’une timidité maladive. Par exemple, il se sent toujours très mal à l’aise quand on le complimente, et quand ça arrive, il a juste envie de disparaître. Et puis, il y a son côté maladroit et ses grimaces involontaires qui lui donne parfois un air débile. Mais ce n’est pas sa faute, s’il est né avec deux pieds gauches, deux mains gauches et un cerveau qu’à moitié fonctionnel. Il perd toujours tout, ne regarde jamais où il va et en plus, il est sûr d’être maudit. Ce n’est pas possible qu’autant de malheurs lui arrivent en une journée sans penser qu’il est maudit. Et ces jours de pure merde, il encaisse sans râler puis il pète un câble quand il a trop accumulé, comme toujours. Et dans ces cas, il pleure ou il cri. Ça le libère. Ou alors, il mange. Oui, parce que manger, c’est la vie bien sûr. Si ça tenait qu’à lui, il ne ferait de manger et dormir. Parce que dormir, c’est magique aussi. Enfin, lui, il adore. D’ailleurs, c’est bien dur de se lever le matin pour aller en cours. Et une fois sa crise passée, il se remet à sourire. Parce que après tout, la vie est belle, non ?

toi, dans la vraie vie.

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