Welcome to Hell. Des pas résonnaient dans les couloirs d'un lycée réputé de Séoul, une voix grave brisait le silence qui occupait les lieux. Par les fenêtres des classes, on pouvait apercevoir les élèves, silencieux, plongés dans leur travail tandis qu'un professeur les assommait de discours plus ennuyeux les uns que les autres. L'homme qui parle presse le pas, l'heure du déjeuner va bientôt sonner et il n'aimerait pas que le groupe qui l'accompagne soit pris dans les flux de mouvements des étudiants affamés. La femme se tourne et hurle sur une adolescente à la traîne. Cette adolescente, c'est moi, Nam Jun Hee, en pleine visite de mon nouveau lycée. Sans répondre, ni lui adresser un regard, je les rejoins en pressant le pas. Je veille tout de même à ne pas être trop proche d'eux. Ce qu'ils racontent ne m'intéresse pas. Pour dire vrai, j'ai passé toute la visite, les écouteurs dans les oreilles, je n'ai rien écouté de ce qu'ils pouvaient bien se dire. Si mes parents avaient choisi cette école, c'était pour ma grande-sœur, pas pour moi. Je ne savais même pas pourquoi ils m'avaient traînée avec eux, ce n'était pas comme si mon avis les intéressait. Ils ne m'avaient rien demandé quand ils avaient décidé de quitter la Chine, pas plus qu'ils ne m'avaient consultée pour le départ de Busan. Et nous voilà à Seoul, dans une école de petits bourges que je ne supporterais pas. Ce n'était pas les encouragements du directeur qui allaient m'enthousiasmer. Je le regarde s’asseoir à son bureau, ravi d'accueillir deux nouvelles élèves. Les écouteurs toujours dans les oreilles, je le nie, inventant des paroles au fur et à mesure que je vois sa bouche s'ouvrir. Je ne veux pas rester ici. Je paris que tous nos autres "camarades" sont déjà au courant que des nouvelles élèves se sont inscrites. Je veux partir, je sais que même en séchant un cours sur deux, je réussirais mon année sans problème mais je ne pouvais pas déjà disparaître alors que ma journée n'avait même pas commencé. Perdue dans mes pensées, j'observe le décor du bureau de notre directeur, simple, terriblement banal et d'un ennui aberrant. Cependant, je suis obligée de retirer mes écouteurs de mes oreilles car tous les visages sont tournés vers moi. Une fois qu'il croit avoir capté mon attention, le proviseur se remet à parler tout en nous tendant notre horaire. "N'hésitez pas à contacter Yoon Min Woo, il est votre représentant au conseil des élèves et il se fera une joie de vous aider." Je lève les yeux au ciel ce qui me vaut un regard noir de la part de mes parents. "Vous pouvez déjà rejoindre la cafétéria, je me doute que les formalités de l'administration ne vous intéressent pas et que vous avez hâte de découvrir l'établissement par vous-mêmes." Ma sœur hocha la tête, souriante et débordante d'enthousiasme. J'en avais envie de vomir. Quoiqu'il en soit, j'attrape quand même mon emploie du temps avant de suivre Min Ah vers la sortie. C'est pathétique de la voir si excitée alors qu'en Chine, elle détestait aller en cours. Je ne suis même pas étonnée de la voir s'éloigner rapidement de moi, elle doit sûrement vouloir cacher le lien de parenté qui nous unit ? Selon elle, selon mes parents aussi, je suis une personne désagréable. Lâchant un soupir las, je me mets à chercher la cafétéria que je finis par trouver assez facilement grâce à l'odeur des plats. "Hey, regarde par-là ! Y a les nouvelles !" Même si je n'ai pas vraiment faim, je prends un plateau sur lequel je dépose un bol de riz, du kimchi et un peu de poulet. "Tu crois qu'elle est dans notre classe ?" J'aperçois déjà Min Ah, entourée d'un groupe de fille. Beurk, l'interrogatoire, il fallait que je l'évite. "Elle a pas l'air commode celle-là." Je balaye la pièce des yeux, et trouve une place à une table vide. Pressant le pas, je m'installe rapidement en essayant de ne pas faire attention à tous les regards qui se posent sur moi comme si j'étais une bête de foire ! N'avaient-ils jamais vu de nouvelle élève ? "Tu crois qu'elle sait parler autre chose que le chinois ?" Ils avaient l'air bien ridicule dans leurs uniformes à jouer les enfants modèles. Sans plus de cérémonie, je plonge ma cuillère dans mon bol de riz et je la fourre dans ma bouche.

© charney