« J’ai envie de toi. »calée dans son lit, sous ses couvertures, sa jambe caressant l’autre, une jeune femme pianote sur le clavier de son portable avec une incroyable frénésie. Elle passe le doigt dans une boucle légère de sa chevelure tout en étant pensive. Elle relit le message qu’elle a envoyé au patron d’une des boîtes de strip-tease les plus réputées de toute la ville. Un frisson d’excitation parcourt l’entièreté de son corps, glissant sur ses courbes pour finir sa descente au plus profond de ses organes. C’est la première fois qu’elle entretient une telle relation avec l’un de ses nombreux fans. Eun Sun est une belle écrivaine de vingt-trois ans qui a déjà réussi à se faire un nom dans le milieu de la littérature populaire. Comme tous les auteurs, elle a des anti-fans. De plus, ceux-ci critiquent énormément l’érotisme de ses ouvrages. Notre demoiselle s’en moque. Elle ne changera jamais d’état d’esprit simplement pour plaire à des gens qui souhaitent la dépersonnaliser. Si elle n’était plus elle-même mais simplement une copie conforme de toutes ces minettes qui écrivent des romans aussi doucereux qu’une mauvaise praline, elle ne penserait plus de la même façon. Or, c’est son mode de fonctionnement ainsi que sa vision sur le monde qui rendent ses écrits intéressants. C’est ce qui fait d’elle une véritable romancière, un petit bout de femme unique en son genre.
Elle se lève à présent pour aller prendre sa douche matinale avant de s’emparer d’un manier en plastique rouge, vêtue d’un peignoir en soie rose, afin de ramasser ses vêtements sales qui jonchent le sol. Elle lance une lessive avant d’enfiler une chemise bleue ainsi qu’un slim noire et des bottes cloutées à hauts talons, venant directement de chez Chanel. Elle a récemment été invitée à passer quelques jours à Paris chez un ami et elle en a profité pour se faire plaisir. Quoi de plus normal ?
Elle se regarde dans la glace, satisfaite. Elle prend un morceau de brioche et se sert une tasse de café dans la cuisine. Après quoi, elle agrippe son manteau, ouvre la porte de son studio luxueux et se dirige vers la sortie afin d’aller faire ses courses à bord de sa nouvelle voiture. Elle revient une heure plus tard avec un smoothie, les bras chargés de paquet. Elle pose sa boisson à côté de son ordinateur sans ranger la nourriture dans son frigo et elle se met à écrire. Elle ne réalise même pas que le soleil entame déjà sa descente hivernale dans un coin de ciel clair et froid. Elle se retrouve peu à peu plongée dans l’obscurité. Eun Sun fait chavirer son regard vers la droite de son écran. Elle se rend compte qu’il est déjà l’heure pour elle d’aller se changer avant de prendre la direction de la salle de fitness. Mine de rien, la jeune femme est organisée même si elle est plutôt du genre libre et bordélique. Se rendre à la salle de sport fait partie des ascèses qu’elle s’est fixée afin de garder la forme. Néanmoins, elle préfère ne pas en faire trop en ce début de soirée. Elle recevra bientôt la visite de l’un de ses sex-friend préférés. La nuit s’annonce flamboyante comme un feu lancé pour balayer l’obscurité d’un ciel trop noir. De plus, elle en profitera pour se dépenser à ce moment-là. En attendant, elle ne fera rien de plus que de s’échauffer dans l’attente de ce moment qui unira leurs corps.
La jeune femme juge donc qu’elle ferait mieux de se préserver au lieu de se fatiguer inutilement en vue des exercices physiques qu’elle aura l’honneur d’exécuter d’ici quelques heures. Elle programme donc le tapis de course sur vingt minutes et se hisse dessus. Il ne faut pas longtemps pour que sa sueur ne se forme en fines gouttes sur son décolleté au teint naturellement hâlé. Elles coulent lentement en-dessous de son court débardeur noir qui découvre son ventre humide et plat. Son shorty met en valeur ses cuisses fines et galbées. Sa longue chevelure brune se secoue de droite à gauche, suivant ainsi le rythme de sa foulée. Elle sent certains regards se tourner vers elle sans avoir besoin de changer la direction du sien fixé droit devant elle. Elle espère que même les jolies filles présentes autour d’elles ont posé les yeux sur son corps. La jeune femme n’est attirée que par la gente masculine et elle serait ravie d’avoir une présence féminine pour accompagner ses nuits.
L’appareil se met à sonner la fin de l’exercice. Elle s’essuie le visage et le cou avant de placer sa serviette autour de ce dernier. Ce spectacle ravit le cœur de ceux qui l’observaient quelques instants plus tôt. Même deux des coachs sportifs du lieu se trouvent incapables de regarder autre part tant elle les fascine en effectuant ces gestes quotidiens. D’ailleurs, pour une fois, Eun Sun n’a même pas cherché à produire cet effet sur les autres. Elle s’en rend compte et s’en amuse intérieurement : elle peut réellement avouer qu’elle est irrésistiblement attirante et cela lui plaît au plus haut point. Elle esquisse un léger sourire poli qui suffit à les achever. Eun Sun regarde sa montre : elle est à l’heure mais pas en avance. Elle se dirige vers son casier, en extirpe son sac de sport, enfile son pull, son manteau, noue son écharpe autour de sa gorge et sort de la salle, laissant encore traîner derrière elle le sillage du parfum de son exquise sortie.
Une fois chez elle, notre demoiselle abandonne ses affaires au sol, comme à son habitude, avant de se glisser sous la douche : elle gardera le bain pour plus tard. Les crépitements de l’eau sur son corps chassent sa sueur qui glisse comme une seconde peau. Elle se savonne à l’aide d’un produit à l’odeur agréablement mentholée.
L’imagination d’Eun Sun n’a pas de limite. La réalisation de ses fantasmes non plus. Tout est possible avec elle, rien n’est banal. Toujours avec un essuie recouvrant ses forms, se contentant du minimum syndical pour ne pas choquer l’un de ses voisins d’en face – ses rideaux n’étant pas tirés -, elle place ses habits sales de ses efforts dans sa fameuse corbeille rouge qu’elle cache dans un placard. Elle avait déjà rangé son studio la veille, au cas où. Elle regarde son agenda : bientôt, elle passera sa deuxième nuit avec Shin Il, un beau policier rencontré à la sortie d’une soirée bien arrosée. Il est différent de Mikio : il est plus doux, plus romantique tandis que Mikio est plus charnel, moins aérien et plus sauvage. D’ailleurs, elle en est ravie : il vaut mieux pour elles que ses amants soient tous différents, sinon quel en serait l’intérêt ? Elle change de compagnon de lit de la même manière qu’elle créer des personnages antinomiques les uns des autres.
Son studio est subtilement décoré : des bougies blanches éclairent ce lieu éteint, offrant une ambiance tamisée et sauvage au lieu. Elle dispose également de fausses peaux de léopard sur certains de ses meubles apparents. Son salon et sa chambre embaument une délicate senteur fruitée rehaussé d’un léger parfum de vanille. Quelques petits chocolats à la menthe et des piments sont disposés dans une vasque sur sa table de nuit.
Maintenant que tout est prêt, Eun Sun est pleinement satisfaite. Elle pourrait l’attendre dans cette tenue mais ce serait trop facile à enlever. Elle a tout prévu. Elle ouvre sa garde-robe prévue à cet effet et en sort un corset couleur lavande. Notre petite coquine sourit : avec le temps, elle a appris à l’enfiler seule. Ce magnifique objet de mode du dix-huitième siècle est accompagné de rubans de satin. Enfilera-t-elle ses jupons assortis ? Finalement, elle opte pour une couleur en dentelle et une simple jupe en tulle du même coloris, qui s’arrête à ses chevilles. Finalement, elle n’est pas contente d’elle : pourquoi s’habiller comme une marquise qui serait l’une des nombreuses amantes du roi soleil si c’est pour évoluer dans un décor qui se rapproche davantage d’une jungle ou d’un quelconque milieu naturel que d’un château ? Elle décide donc de la garder pour Shin Il.
Eun Sun est à présent revêtue d’une autre de ses tenues qu’elle veut inaugurer avec Mikio et qui correspond davantage à ce dernier, et donc à ses fantasmes. Elle n’a plus qu’à attendre, ce qu’elle n’aime pas beaucoup. Elle est impatiente. Elle se sent étrangement à l’aise dans son short et son bustier en cuir recouverts – en partie – de velours blancs pour ainsi imiter une louve en chaleur. Elle vérifie que ses fausses oreilles tiennent sur sa chevelure qui dégringole de façon intrépide sur ses épaules de déesse. Elle s’allonge sur son lit en lisant un journal. Sa mise en scène est parfaite : elle a même déverrouillé la porte et Mikio est au courant. Elle ne verra pas sa réaction en l’attendant dans la chambre, également décorée, mais peu importe : elle préfère même se l’imaginer et le voir bondir sur elle. Elle entend des pas virils claquer dans le corridor. Elle reconnaît ceux de Mikio. Elle en frétille d’excitation. Leur première nuit était tellement magnifique qu’elle n’avait plus qu’une chose à faire : remettre ça.
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